Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceindre la couronne des reines catholiques partira pour l’Espagne, où elle ne paraît devoir rencontrer que des sympathies. Sa grâce et son esprit feront le reste. Cette union, accomplie sous les plus favorables auspices, a été l’objet de bien des interprétations, de bien des commentaires, qui n’ont que le tort d’être des conjectures dépassant selon toute vraisemblance la réalité. Assurément ce mariage, qui renoue les vieux liens de la péninsule et de L’Autriche a son importance dynastique et diplomatique : il est fait pour donner à la monarchie espagnole un lustre de plus, des relations nouvelles, l’appui des cours du continent ; il ne peut changer essentiellement le cours de la politique. Il réveille de vagues souvenirs de l’histoire, il ne refait pas artificiellement le passé, il ne renoue pas les traditions des Philippe et des Charles II dans l’Espagne transformée par les révolutions qui ont produit tout un ordre nouveau d’intérêts et d’institutions. L’archiduchesse Marie-Christine devient ni plus ni moins une reine constitutionnelle dans sa patrie d’adoption.

Elle n’a qu’une mauvaise chance, cette future souveraine espagnole choisie dans une des plus vieilles maisons de l’Europe et appelée à porter la couronne avec le jeune Alphonse XII. Elle va arriver au delà des Pyrénées au lendemain des malheurs qui viennent de frapper toute une population, peut-être aussi au milieu de difficultés politiques assez réelles. Il n’y a que quelques jours à peine, comme la France il y a quelques années, une partie de l’Espagne a été subitement envahie par des inondations qui ont pris aussitôt les proportions d’un fléau. Ces belles et fertiles régions méridionales de Murcie, d’Alicante, d’Alméria, de Malaga, ont été ravagées en quelques heures. Les désastres matériels sont immenses, le nombre des victimes est considérable ; le fléau laisse la mort et la misère dans ces contrées. C’est une sorte de malheur public qui émeut l’Espagne entière, qui a été aussi vivement ressenti en France, où il a excité un mouvement spontané de sympathie naturelle entre les deux peuples, une généreuse émulation de charité, dont le digne et spirituel représentant du roi Alphonse parmi nous, le marquis de Molins, a pu recueillir déjà les premiers témoignages. Ce deuil imprévu de toute une population a jeté comme un voile de tristesse sur le mariage royal.

D’un autre côté, à Madrid même, des questions d’une certaine gravité s’agitent à l’approche de la réunion des cortès. La plus sérieuse de ces questions est celle des réformes qui sont la condition ou la suite de la pacification de l’île de Cuba. Ces réformes, devenues nécessaires, n’ont pas seulement de l’importance pour Cuba, elles touchent aux relations commerciales qui ont existé jusqu’ici entre la métropole et la colonie, aux intérêts des provinces les plus industrielles de l’Espagne ; elles impliquent à la fois l’émancipation plus ou moins immédiate des noirs, qui a été promise, et des modifications dans la législation doua-