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séparer, que devient l’unité si nécessaire de ce parti ? N’est-ce pas en provoquer la division et la dissolution ? C’est précisément où nous voulions en venir. Il est certain que la préoccupation de cette unité a été la règle constante de la politique républicaine depuis les premiers jours de la restauration de la république jusqu’à ce moment. Tout ce qu’elle a fait de bon et de mauvais a été inspiré par cette suprême considération. C’est à l’union de ses divers groupes que le parti républicain doit sa force et son triomphe devant la coalition toujours mal unie des partis monarchiques. Mais c’est aussi à la persistance de cette union, sans programme arrêté, qu’il faut attribuer ses contradictions, ses faiblesses, toutes ses erreurs et ses fautes de gouvernement. Il a cru qu’il ne pouvait garder le pouvoir que par la même conduite qui l’y avait fait arriver. C’est en quoi il nous paraît s’être gravement trompé. Tant qu’il ne s’agit que de conquérir le pouvoir, tous les moyens sont bons, tous les partis sont des auxiliaires utiles. Comme il n’est besoin que de s’entendre contre l’ennemi commun, le mieux est de ne pas s’expliquer. Tout programme clair, précis, complet, est inopportun, parce qu’il deviendrait une cause de scission entre des alliés ou des amis qui sont loin de s’entendre sur toute question. Quand on tient le pouvoir, c’est autre chose. Il faut gouverner, et l’on ne gouverne pas sans une politique bien définie et nettement pratiquée. C’est alors qu’il devient difficile de concilier l’union des groupes avec la direction des affaires. C’est alors qu’on se trouve dans la nécessité de mécontenter certains amis, si l’on veut gouverner de manière à satisfaire le pays, ou de mécontenter le pays, si l’on tient à ne pas faire de mécontens dans son parti. Et pourtant il faut choisir, et c’est parce qu’aucun ministère républicain n’a eu la volonté de le faire que nous n’avons pas eu de gouvernement parlementaire proprement dit, depuis que le parti républicain possède réellement le pouvoir. On ne parle pas, on ne s’explique pas, on ne se contredit pas, pour ne pas se diviser. Au lieu d’une discussion, c’est une consigne ; au lieu d’une véritable entente, c’est un mot d’ordre. Mais si un parti peut se dispenser de parler pour conserver son unité, un ministère est tenu d’agir pour gouverner et administrer. Il y a donc, à défaut de discussions publiques sur un programme de gouvernement, des conférences plus ou moins secrètes, des négociations continuelles des groupes entre eux, des groupes et des ministres pour s’entendre, et c’est de là que sortent des mots d’ordre que nos ministères républicains reçoivent plus souvent qu’ils ne les donnent. C’est l’inspiration et l’impulsion du dehors qui les fait agir ; ce n’est pas une pensée propre et une initiative de direction. Est-ce là gouverner ? Et l’unité absolue du parti républicain vaut-elle cette défaillance fatale du pouvoir, cette véritable anarchie du gouvernement ? Certes