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l’union est chose désirable entre les fractions d’un grand parti. Et c’est pour cela qu’une politique habile n’est jamais une politique de calcul étroit, de défiance et d’exclusion. Elle a toujours un programme aussi large que précis à offrir à ses amis ; mais elle a la ferme volonté de n’en pas pratiquer d’autre, quoi qu’il puisse lui en coûter de ne pas être suivie par tous. La politique des programmes, qui est tout le gouvernement parlementaire, n’exclut personne. Si elle dit non à certaines doctrines, elle dit oui à toutes les bonnes volontés et à tous les dévoûmens.


II

Il ne faut pas se faire d’illusion sur la situation politique actuelle. Le plus difficile n’est pas de démontrer la nécessité et la possibilité du gouvernement constitutionnel et parlementaire dans une démocratie républicaine ; c’est d’expliquer, en tenant compte des faits, comment on pourra rentrer dans les conditions de ce régime. On sait dans quelles complications l’initiative de la chambre des députés, subie, sinon acceptée par le ministère actuel, a engagé la politique du gouvernement. Ce n’est pas chose aisée de l’en dégager. Un article d’exception glissé dans une loi de liberté menace de créer un conflit entre les deux chambres. S’il est voté, c’est la paix des consciences profondément troublée pour un temps dont on ne saurait mesurer la durée. S’il est rejeté, c’est l’entente entre les pouvoirs de l’état compromise, et malheureusement on ne voit pas de transaction possible entre deux solutions aussi contradictoires. Il y a, dans la politique, des difficultés qui se dénouent par un compromis : tant mieux ! Il y en a d’autres qui ne peuvent se trancher que par un oui ou un noir : tant pis ! Mais qu’y faire ? Toute transaction entre ce qui est et ce qui n’est pas la liberté semble impossible, à moins qu’on ne se laisse prendre à une équivoque. Il faut donc qu’on en vienne au vote sur l’article 7 déjà voté par la chambre des députés. Si cet article passe au sénat, la majorité du parti républicain chantera victoire. Mais encore quelques victoires comme celle-là, et le parti qui mène la campagne compte bien n’en pas rester là, les sages amis de la république pourront redire le mot de Pyrrhus. D’ailleurs la loi Ferry ne fera pas fermer une seule des maisons qu’elle vise. Elles ne feront que passer en d’autres mains. Quand l’autorité qui devra leur signifier leur congé se présentera à leurs directeurs la loi à la main, il leur sera répondu aussitôt au nom de cette même loi qui autorise tous les congréganistes, tous les prêtres, tous les laïques mis à la place des pères non autorisés. Et comme les nouveaux venus apporteront exactement le même esprit que leurs prédécesseurs dans la direction,