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provient, tandis que les secondes, mêmes modérées, se sentent toujours et n’ont d’autre avantage que de procurer au trésor des ressources assurées et fixes qui ne dépendent pas des crises ou des révolutions ; mais que sont ces ressources à côté de celles dont on a besoin, et que fournissent aisément les impôts indirects sans qu’on force la mesure ? L’Angleterre trouve les quatre cinquièmes de son budget dans ces dernières taxes, la France à peu près les deux tiers ; et ce sont certainement les états les plus riches et qui ont les meilleures finances. Si l’on met à côté la situation de la Turquie et même de la Russie, où les taxes directes prédominent, on verra la différence. Enfin, quand un homme aussi avisé que M. de Bismarck a voulu assurer l’indépendance financière de l’empire qu’il a créé avec tant de suite et après tant d’efforts, à quels moyens a-t-il eu recours ? A-t-il augmenté les taxes matriculaires que lui fournissaient directement et péniblement les états confédérés ? Pas du tout, il s’est adressé aux impôts indirects, et il obtiendra ainsi non-seulement ce dont il a besoin pour l’empire, mais de quoi même venir en aide à ses alliés si c’est nécessaire.

Nous ne voulons pas insister davantage. La cause des impôts indirects nous paraît gagnée, sinon en principe ou dans les livres, au moins dans la pratique, auprès de tous les hommes d’état vraiment financiers. Il n’en est pas un qui oserait, en France et en Angleterre, changer sensiblement l’équilibre actuel entre les deux natures d’impôts. Les économistes même les plus opposés aux taxes indirectes, s’ils arrivaient au pouvoir, et cela s’est vu, n’y changeraient rien non plus, ou presque rien. Autre chose est la théorie, autre chose est la pratique. Seulement on se demande pourquoi le désaccord. On comprend parfaitement que la théorie aille toujours en avant de la pratique, qu’elle enseigne la voie à suivre, comme lorsqu’il s’agit, par exemple, de la liberté commerciale. Encore faut-il qu’elle soit elle-même dans le sens du progrès. Si elle lui tourne le dos, si plus elle prêche la supériorité des impôts directs, plus., les nations adoptent les taxes indirectes et s’en trouvent bien, le désaccord devient fâcheux et diminue un peu l’autorité de la science.


III

J’arrive maintenant à la question des emprunts, qui est aussi traitée dans le livre du duc de Broglie. On est généralement d’avis que lorsque l’état a besoin de ressources extraordinaires pour faire des travaux utiles ou pour des améliorations de diverses natures, il doit les demander à l’emprunt plutôt qu’à l’impôt ; ces