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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/476

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dictions intimes. Elle est grave par suite d’une série de complications auxquelles on a laissé le temps de grandir, parce qu’entre les divers partis qui forment une majorité républicaine plus apparente que réelle et le gouvernement, il n’y a pas le lien d’une pensée commune, ce qui fait la force d’une situation et d’un régime, une politique précise et résolue, la politique vraie d’une république régulière et libérale. Voilà la vérité !

Non sans doute, le danger, s’il y a un danger aujourd’hui, n’est pas dans cette propagande d’agitation voyageuse qui a rempli les dernières vacances ; il n’est pas précisément dans quelques effervescences radicales et socialistes qui n’ont que peu d’écho, dans quelques retours offensifs d’assez médiocres amnistiés de l’insurrection de 1871. Par elles-mêmes ces démonstrations révolutionnaires n’ont qu’une force factice et partielle ; elles sont si visiblement désavouées par l’opinion que, si elles tentaient de prendre une forme plus décidée et plus menaçante, elles n’auraient probablement d’autre chance que de provoquer une réaction qui risquerait de dépasser toute mesure. C’est l’éternelle histoire des déchaînemens révolutionnaires. Non, au moment où les chambres vont s’ouvrir, le danger n’est pas là ; il est dans la faiblesse intime d’une situation où l’on s’accoutume à croire que tout est possible parce que tout semble incertain, parce que l’action publique reste flottante, disputée et désarmée. Le gouvernement, quelles que soient ses intentions, est souvent hésitant devant le moindre incident parce qu’il ne se sent pas appuyé par une vraie et sérieuse majorité, et cette majorité à son tour n’existe pas, parce que les diverses fractions qui la composent représentent des passions, des velléités, des préjugés ou des ressentimens encore plus qu’une politique, — peut-être aussi parce qu’elle ne se sent pas conduite. Il ne suffit pas de prononcer d’une certaine manière le mot de république et de se dire républicain : la vérité est que, depuis qu’ils règnent, les républicains, ou du moins bon nombre de républicains et parmi eux ceux qui se croient les plus orthodoxes, n’ont pas su profiter des faveurs de la fortune ; ils n’ont pas encore réussi à former un vrai parti de gouvernement. Malgré eux peut-être, ils ne peuvent rompre avec de vieilles habitudes, secouer de vieilles chaînes, abdiquer de vieux préjugés ; ils tombent du côté où ils ont toujours penché. Ils ont le goût irrésistible de l’agitation, de la politique révolutionnaire, des mesures agressives et irritantes, et ils ont aussi la passion jalouse des partis victorieux, le fanatisme des exclusions et des épurations. C’est là justement leur faiblesse et c’est la difficulté pour la fondation d’un vrai gouvernement dans le cadre des institutions nouvelles.

Ce n’est point peut-être que bien des républicains n’aient le sentiment plus ou moins vague des nécessités de cet ordre nouveau dont