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péennes. Il a probablement ses vues en promenant ses préférences de Saint-Pétersbourg à Vienne ; il ne dit pas son secret, même quand il a l’air de parler. Ce qu’il s’est proposé réellement en essayant d’enchaîner l’Autriche à l’action allemande, ce qu’il a obtenu par son dernier voyage, ce que produira cette alliance, moins durable peut-être qu’on ne le suppose, les événemens le diront sans doute un jour ou l’autre ; ce ne sont pas dans tous les cas les parlemens de Berlin et de Vienne qui semblent devoir le révéler, et ils ne le disent pas parce qu’ils n’en savent rien eux-mêmes.

Ces parlemens qui viennent de se réunir, il y a quelques jours, en Prusse et en Autriche, n’offrent pour le moment qu’un intérêt ; ils reflètent assez fidèlement ce travail de réaction intérieure, ce mouvement conservateur qui a coïncidé avec l’évolution de politique extérieure dans les deux empires. Le landtag de Berlin, dès ses premières opérations, a montré ce qu’il devait être. Il a exclu cette fois de la présidence le chef du parti national-libéral, M. de Bennigsen, qui s’attendait peut-être à être nommé de nouveau ; il a élu un conservateur, M. de Keller. La plupart de ses choix, pour son bureau, sauf les exceptions d’impartialité, sont conservateurs. M. de Bismarck, sans avoir paru jusqu’ici dans cette assemblée, est présent par son esprit et dans tous ces groupes de vieux ou de nouveaux conservateurs, de catholiques, même de nationaux libéraux modérés ou découragés, il est bien certain d’avoir une majorité pour ses projets financiers, pour ses projets de rachat des chemins de fur, qui sont déjà en discussion. A Vienne, la situation parlementaire est un peu plus compliquée, quoiqu’elle reste après tout soumise aux mêmes influences générales qui ont triomphé par les dernières élections. Le ministère du comte Taaffe n’a pas pu, il est vrai, empêcher dans la chambre des seigneurs, le vote d’une adresse assez libérale, dans tous les cas peu favorable à toute concession au fédéralisme, aux Tchèques ; il est à peu près assuré de prendre sa revanche dans la seconde chambre et il ne semble pas menacé dans son existence. Il représente justement dans une mesure assez modérée cette réaction conservatrice qui prévaut aussi en Prusse ; mais ce qu’il y a de plus caractéristique, de plus significatif dans les deux empires, c’est la préoccupation identique, peut-être concertée des gouvernemens sur un des points les plus essentiels de l’organisation publique. La pensée qui règne aujourd’hui à Vienne est de soustraire le contingent de l’armée à la sanction annuelle des chambres, de faire voter pour dix ans le budget militaire. A Berlin, M. de Bismarck a de son côté la très ferme résolution de faire renouveler le septennat militaire qui expire l’année prochaine, et il paraît même avoir une idée plus ingénieuse : il se propose de demander aux chambres de ne plus voter le budget tout entier que par périodes bisannuelles. La discussion annuelle du budget, il paraît que c’est du temps perdu ! De sorte que la politique nouvelle qui réunit les