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ce qu’avait dit Napoléon, je me bornai à lui faire observer que je lui adresserais incessamment une note officielle contenant la proposition de la médiation de l’Autriche, et que, mes momens étant comptés, je fixerais mon départ pour la Bohême au surlendemain.

J’avais quitté le quartier-général au moment où nos différens corps d’armée ne songeaient qu’à se réunir. Le noyau de l’armée autrichienne comptait, toutes les armes comprises, à peine… hommes. Je voulus m’assurer d’un fait qui devait avoir une influence considérable sur l’issue de la campagne ; mon entretien avec Napoléon avait fait naître des doutes dans mon esprit ; je me demandais s’il ne serait pas à désirer de gagner quelques semaines pour arriver à compléter notre ordre de bataille. Sans attendre le lendemain, j’expédiai un courrier au prince de Schwarzenberg ; je posais à ce dernier les deux questions suivantes : « La proclamation de l’armistice conclu entre les Français et les alliés peut-elle nous servir à atteindre le but que je viens d’indiquer ? Quel serait, au point de vue pratique, le dernier terme possible, et partant, le seul terme admissible de cette prolongation ? »

Je priais le prince de me répondre sur-le-champ ; je fixais un délai de trente-six heures pour le retour du courrier, et demandais des renseignemens catégoriques. L’aide de camp que j’avais envoyé revint au bout de trente-deux heures avec une lettre du prince de Schwarzenberg. La réponse était fort courte : « D’ici à vingt jours, m’écrivait le prince, mon armée se trouvera renforcée de soixante-quinze mille hommes ; je m’estimerai heureux d’obtenir ce délai, mais un seul jour de plus me mettrait dans l’embarras. »

A partir de ce moment, tous mes efforts ne tendirent plus qu’à gagner ces vingt jours. La chose n’était pas facile, car Napoléon devait plus ou moins faire, les mêmes calculs que nous. Et, d’autre part, comment faire accepter ce délai à deux princes soupçonneux, dont l’un voyait son existence liée à la résolution que prendrait l’Autriche, et dont l’autre devait chercher à frapper un grand coup pour maintenir dans le devoir, son armée mécontente et vaincue ? Comment enfin triompher de l’impossibilité où se trouvaient les armées russe et prussienne de vivre dans une province épuisée ? Comment suffire aux besoins de ces armées en mettant à leur service les ressources de la Bohême et de la Moravie ? Ne risquerait-on pas de voir Napoléon trancher la question en tombant sur la Bohême ? Ne pourrait-il, de son côté, nous demander d’appliquer à la Saxe le principe de l’égalité dans le traitement, et de venir au secours de ce pays, encore plus épuisé que ne pouvait l’être la Silésie ? Je me rendis compte de ces difficultés ; je cherchai les moyens d’y parer, et je les trouvai.

Pendant les trois jours qui suivirent mon entretien avec Napoléon,