Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/798

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lin qu’on attendait est apporté, le navire gagne la haute mer.

Près de trois mois se sont écoulés ; les missionnaires n’ont été témoins d’aucun trouble grave sur le territoire qu’ils ont parcouru. N’ayant éprouvé nul accident, subi nul outrage, le révérend Samuel Marsden se déclare enchanté des insulaires ; il se flatte de les voir prendre goût à la civilisation européenne. A-t-il formulé quelques doctrines en apparence plus ou moins approuvées, il imagine les principaux personnages déjà persuadés. Par exemple, il a tenté de convaincre qu’il est mieux d’avoir une seule femme comme en Angleterre que d’en avoir plusieurs comme à la Nouvelle-Zélande, on lui a répondu : Peut-être, car, s’il y a plusieurs femmes à la maison, toujours elles se querellent ; les femmes n’aimant pas les rivalités partagent son avis, le bon pasteur est tout glorieux. Il a parlé des peines graduées selon l’importance du crime ou du délit, insisté sur l’iniquité de frapper d’une condamnation à mort l’homme qui a volé une patate de même que l’assassin, et il croit le sauvage saisi des merveilles de la justice qu’on rend au nom du roi de la Grande-Bretagne. Dans son opinion, les Néo-Zélandais qui ont visité Port-Jackson ne doivent plus rêver que de vivre à la façon des bourgeois anglais ; c’était beaucoup d’illusion. A la vérité, depuis une vingtaine d’années, par suite d’une fréquentation active, il y a, au moins à la baie des Iles, un changement dans les rapports des insulaires avec les Européens. Les Néo-Zélandais se sont accoutumés à voir des étrangers, et s’ils n’en reçoivent pas d’offense, ils se comportent d’une manière irréprochable et se montrent en général fort hospitaliers. Ils ont d’ailleurs un tel désir de posséder des armes à feu et des instrumens de fer qu’ils recherchent ceux qui peuvent en procurer. Fiers de leur rang, orgueilleux de leurs exploits, les chefs témoignent toujours des ardeurs belliqueuses. Suivant la remarque des premiers missionnaires évangéliques, la bonne intelligence semble régner dans la population placée sous la conduite d’un même chef ; les hommes traitent avec douceur les femmes et les enfans. Les guerres ne s’allument qu’entre les tribus et parfois elles sont portées loin, à l’improviste, sans autre motif que la volonté d’un chef avide de domination. Depuis le commencement du. siècle, les cultures sont en progrès ; on le constate sur divers points de la côte. C’est beaucoup le travail de malheureuses femmes, car, selon la parole d’un grand chef : qu’on entretienne l’insulaire d’agriculture, il s’endormira ; de guerre, il ouvrira des yeux flamboyans. Quatre jours après le départ de M. Marsden, Tuatara mourait ; quelques mois plus tard, se répandait la nouvelle d’un de ces événemens trafiques dont on n’attendait plus le retour. Deux navires mouillés dans un havre entre la Tamise et la baie Mercure, à 150 milles de la station des missionnaires, avaient été saisis par les