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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/873

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Mais l’injure avait comblé la mesure. Désormais, le gouvernement français pouvait réaliser les projets qu’il étudiait depuis deux ans. Hussein-Dey comprit bientôt à quelles terribles représailles il venait de s’exposer ; il essaya de repousser la responsabilité de cette inqualifiable conduite. « Mais, dit M. Camille Rousset, le désaveu n’obtint pas plus de réponse que l’agression. » Ces nouvelles arrivèrent en France au moment où M. de Polignac et ses amis prenaient le pouvoir. Parmi les questions qui s’imposaient à eux, ils trouvèrent donc celle d’Alger, rendue brûlante par le grave événement qui venait de s’accomplir, reléguant au second plan toutes les discussions auxquelles donnaient lieu, depuis deux ans, les affaires algériennes, pour ne laisser subsister que l’outrage infligé à la France.


II

En racontant ici même, à une date récente, le procès des derniers ministres de Charles X[1], nous avons apprécié avec une juste sévérité la politique intérieure du cabinet de M. de Polignac. Nous n’en sommes que plus à l’aise aujourd’hui pour louer sans réserve la conduite patriotique qu’il tint dans l’affaire d’Alger. L’expédition qu’il eut le courage de poursuivre jusqu’au bout, en dépit d’une opposition dont son avènement avait exaspéré les colères, et malgré le gouvernement anglais, ne fut pas entreprise, quoi qu’on en ait dit, dans le dessein de détourner l’attention publique des préparatifs de la lutte qui allait s’engager contre la nation. Cette expédition s’imposait. A la distance où nous sommes des tragiques événemens de 1830 et des passions qui les provoquèrent, elle apparaît comme une nécessité, comme l’unique moyen de châtier l’audacieuse insolence des deys d’Alger, de débarrasser l’Europe maritime et commerciale de cette menace permanente suspendue sur sa tête. Il appartenait à la France, directement mise en cause, de marcher cette fois encore pour la civilisation et de se faire son instrument. Cela était conforme à ses traditions séculaires, et l’honneur le lui commandait. Tel avait été l’avis des deux ministères qui s’étaient succédé depuis l’incident du 30 avril 1827. S’ils s’étaient contentés, le cabinet Villèle d’ordonner le blocus, et le cabinet Martignac de le maintenir, tout en essayant d’obtenir diplomatiquement du dey d’Alger une réparation nécessaire, c’est que l’état de l’Europe leur avait imposé comme un devoir de prudence la plus stricte réserve. En 1827, M. de Villèle avait sur les bras les affaires de Grèce ; il préparait des élections générales pour la fin de l’année ;

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 mai 1877.