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parti d’opposition libérale qui ne se laissera ni séduire, ni intimider, ni surprendre. Ce parti ne manquera aucune occasion d’avertir le parlement et le pays. La politique muette du sous-entendu deviendra impossible à pratiquer devant les interpellations, les explications, les protestations des républicains libéraux. L’on rentrera ainsi forcément dans les conditions du gouvernement parlementaire, si mal pratiqué depuis l’établissement définitif de la république.

On rentrera également dans l’observation de la loi constitutionnelle. Le sénat, devenu républicain en assez grande majorité, depuis le renouvellement triennal, vient d’être mis en demeure de se prononcer sur l’espèce de république qui a ses sympathies. Ce n’est pas seulement la discussion des lois Ferry qui nous fera connaître sa préférence ; c’est l’ensemble des lois et des mesures qui forment le programme du gouvernement. Le sénat républicain lui donnera-t-il raison sur l’article 7, sur la réforme de la magistrature, sur la révocation à outrance des fonctionnaires, sur la fermeture des écoles communales congréganistes, sur toutes les lois et mesures que la chambre des députés a votées et approuvées, ou doit voter et approuver? Il est difficile de croire que le sénat républicain, sans en venir jusqu’au parti extrême de la dissolution, comme le sénat monarchique, se résignera perpétuellement au rôle de chambre d’enregistrement des actes de la toute-puissante chambre des députés. S’il garde le silence sur les actes de la politique ministérielle, s’il n’intervient pas dans la formation ou la composition des cabinets, abandonnant cette œuvre aux prétentions de l’autre chambre, il ne peut rester muet et passif devant les lois présentées à ses délibérations. Là, on peut espérer qu’il résistera, au moins dans une certaine mesure, parce que, s’il est républicain, ce serait lui faire injure de douter de ses sentimens libéraux. Il aura donc prochainement à prendre le rôle que lui assigne la constitution, en ce qu’il a de plus essentiel; il votera librement et résolument pour ou contre les lois présentées par le ministère, et votées par la chambre des députés. Ce ne sera peut-être pas l’harmonie parfaite des pouvoirs publics, le fonctionnement facile et toujours pacifique rêvé par les sages républicains qui ont voté la constitution. Mais ce ne sera point un conflit, dans la force du mot, par la raison que le sénat, en arrêtant l’initiative intempérante et antilibérale de la chambre des députés, n’entravera point la marche du gouvernement, en tout ce qui concerne l’expédition des affaires et le jeu de la machine administrative. Il sera un frein, non un obstacle, encore moins une machine de guerre contre les autres pouvoirs. Il obligera seulement l’autre chambre à compter avec lui. C’est ce que veut notre loi constitutionnelle.