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Je ne connais pas assez la ville pour vous faire les objections locales contre votre plan, s’il y en a à faire, et je m’en rapporte à cet égard tout autant à Salins qu’à vous sur la partie militaire.

Mais je ne comprends pas la peine que ces messieurs ont à lâcher le mot : Nous exécuterons tel jour, ou bien : Nous ne voulons pas exécuter. Ils pourraient dire encore: Les Tuileries, ou le conseil de Coblentz (je ne dis pas les princes) nous ont fait dire sous main de ne rien faire. Alors on saurait sur quoi compter. Il faut lâcher de leur tirer cela. Mais finissons, car on ne me laissera pas longtemps ici. Envoyez-moi tous les jours de vos nouvelles, et sans compliment.

Au reste, s’ils tiennent absolument aux aides de camp, il ne faut pas manquer la chose pour cela; mais cela n’aurait pas le sens commun à eux.

Je ne suis d’avis ni d’écrire aux soldats pour enlever leurs officiers (cela serait injurieux pour eux et très scabreux pour moi dans la suite) ni de parler à Luckner, dont il faut seulement s’assurer.


Trois jours plus tard, comme il n’était plus question d’enlever les officiers de la garnison de Strasbourg en leur parlant de trône et de fidélité, et qu’à défaut d’enthousiasme on allait faire appel aux appétits, aux ambitions, à l’intérêt sordide de la masse, le prince de Condé fait passer à son lieutenant la note suivante :


Il faut offrir aux officiers, aux sous-officiers et aux soldats des avantages que la nouvelle Constitution ne peut leur donner et dont ils auront la certitude en servant le parti du Roi.

Les chefs de corps qui conduiront leurs troupes peuvent former des demandes, soit de grades, de places ou de décorations ; on les accordera.

On donnera à tout officier qui y aura contribué un grade au-dessus de celui qu’il a, ou le brevet en attendant la place.

On donnera à tous les bas-officiers et à tous les soldats qui y auront contribué, outre la certitude d’un avancement prompt, 2 sols de haute paie par jour, leur vie durant, indépendamment de leur traitement au service ou de leur retraite quand ils la prendront, et une couronne brodée sur l’habit, qui annoncera la part qu’ils auront eue à la remettre sur la tête du Roi.

Tout ceci ne doit être considéré que comme des idées que vous modifierez comme vous voudrez, et dont le résultat est qu’on donnera à chacun ce qu’il désirera le plus. Mais de la promptitude !


Tandis que le patriotisme du prince de Broglie et de Diétrich relevait les défaillances de Luckner, gourmandait les entraînemens des colonels, maîtrisait l’irrésolution des officiers subalternes et faisait échec au complot royaliste, les projets des princes furent tout à