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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/349

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7 remplacé par une mesure toute pacifique qui obligerait nos adversaires eux-mêmes à entrer bon gré mal gré dans le mouvement général. De plus, que dans les écoles du gouvernement, près des professeurs d’histoire et de littérature, un professeur de philosophie choisi parmi les plus éminens enseigne les principes et les devoirs de la morale humaine, les conditions nécessaires de la vie en société, les lois des contrats, le fondement du droit naturel, les préceptes de la liberté et de l’égalité, les bases rationnelles de notre droit civil établies en dehors de toute croyance particulière, les bases également humaines de la pénalité sociale, le sens philosophique des principes de 89, la relation qui existe entre ces principes et nos institutions politiques, le mécanisme de notre gouvernement, les élémens essentiels de notre droit constitutionnel et administratif, en un mot, tout ce qui est nécessaire à un citoyen pour comprendre et pratiquer les obligations de la vie civique, — peut-être alors certains officiers ou certains ingénieurs qui font tache parmi les autres seront-ils plus tolérans pour le régime actuel. Leurs croyances ne perdront rien à être plus éclairées; ce qui y gagnera beaucoup, c’est leur patriotisme.


II.

Pour commencer par l’instruction secondaire, qui a déjà fait de si grands progrès en France, deux réformes y sont urgentes : 1° dans le nombre d’heures et de cours consacrés à l’enseignement philosophique et moral; 2° dans les programmes et dans l’esprit de cet enseignement. Le système actuel des études, qui réserve entièrement la philosophie pour la dernière classe des lycées, offre un vice capital et une évidente inconséquence : on trouve tout naturel de développer de bonne heure l’esprit littéraire, l’esprit scientifique et l’esprit historique, en enseignant chaque année aux jeunes gens de la littérature, des sciences et de l’histoire ; mais on s’imagine qu’il faut attendre la dernière année de leurs études pour leur inculquer tout à coup, par un changement à vue, l’esprit philosophique. Philosophie, disait Rabelais, c’est un «nouveau monde; » on y jette sans préparation des esprits qui n’ont vécu jusque-là que de récits, de fables, d’idées non raisonnées et de sentimens vagues. S’il est flatteur, pour la science de l’homme et de la société, d’être, comme on dit, le couronnement des études, il serait encore plus flatteur et surtout plus utile qu’elle fût parmi les bases mêmes de l’édifice. Les professeurs de sciences et les professeurs d’histoire vont, dans diverses classes, donner leur enseignement plus ou moins élémentaire à des esprits de différens âges; pourquoi le professeur de philosophie, aidé d’un