Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
REVUE DES DEUX MONDES.

donné lieu la mort prématurée de don Carlos. Les trois autres pièces sont des comédies de mœurs ; l’intrigue en est suffisamment compliquée, le dialogue bien conduit, le vers agile, l’intention toujours honnête et morale. Je doute fort cependant que ces comédies eussent un grand succès chez nous ; peut-être les caractères manquent-ils parfois de nuances, les dénoûmens sont trop précipités ; il n’est pas jusqu’à cette préoccupation constante de l’auteur de vouloir, du haut de la scène, donner une leçon et un exemple, qui n’en ralentisse un peu l’effet. Aussi bien M. Nuñez de Arce n’attache-t-il lui-même, nous en sommes sûrs, qu’une importance secondaire à ces premières productions de sa plume et porte plus haut désormais ses ambitions et ses espérances.

Arrivons donc tout de suite aux poésies lyriques. Sous ce titre : Cris de combat, l’auteur a réuni à quelques autres pièces les vers écrits pendant la période révolutionnaire qui suivit en Espagne l’expulsion de la famille des Bourbons. C’est alors que la guerre civile sévissait sur tous les points de l’ancienne monarchie, au nord, à l’est, au sud, à Cuba ; alors que se déchaînaient tous les bas instincts et les lâches passions de la foule ; qu’un gouvernement d’aventure, sans argent, sans soldats, sans programme, livrait le pays aux horreurs de l’anarchie. Le poète s’est senti frappé au cœur de l’humiliation et des dangers de la patrie, et il a trouvé dans sa colère des accens vraiment pathétiques. Telles les strophes qu’il adresse à cette mensongère liberté, la seule qui plaise à la populace :


Liberté ! liberté ! tu n’es pas cette — vierge, ceinte d’une blanche tunique — que j’ai vue dans mes rêves si pudique et si belle ! — Non, tu n’es pas la divinité resplendissante — qui de sa lumière, comme une étoile, éclaire — les obscurs abîmes de la vie ! Tu n’es pas la source d’éternelle gloire — qui élève le cœur humain — et prolonge cette vie mortelle ! — Tu n’es pas l’ange vengeur qui de sa main, — sur les épaules du tyran, imprime — le fer rouge de l’histoire !

Tu n’es pas la vague apparition que je poursuis — avec une insatiable ardeur depuis ma jeunesse, — sans l’atteindre jamais ! Que dis-je ? — Tu n’es pas la Liberté ! À bas le masque, — licence échevelée, vile prostituée — de l’émeute ! je te reconnais et je te maudis.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

N’espérez point que la populace en furie — porte dans son cœur comme un saint dépôt — les nobles instincts et les mâles vertus. — Elle trouvera le monde trop éiroit pour ses convoitises ; — car elle est la force, le nombre, le fait — brutal, elle est la matière qui se meut !