et le débarquement des marchandises; c’était aussi un ensemble d’institutions fiscales, administratives, économiques, établies en vue de développer la prospérité commerciale d’une localité et d’assurer des revenus au pays, un véritable bureau de péage, ou plutôt un poste de rançon où l’on taxait de la manière la plus arbitraire tous les navires qui passaient dans un rayon souvent fort considérable. Tel fut Aigues-Mortes pendant près de quatre siècles. Les limites officielles du port s’étendaient alors depuis le grau de Boucanet, où la flotte de saint Louis avait pris le large et qui se trouve aujourd’hui dans le département de l’Hérault, jusqu’à la pointe de l’Espiguette, qui marque à peu près la limite du département des Bouches-du-Rhône. li comprenait donc tout l’atterrage des côtes du département du Gard.
Tous les navires qui traversaient la mer dans ces limites, ceux mêmes que l’on pouvait apercevoir au large aussi loin que la vue pouvait s’étendre du farot qui avait été établi sur la plate-forme de la tour de Constance, étaient tributaires de la ville privilégiée. Les dépositions insérées dans l’enquête de 1298 et de 1299, au sujet des griefs du roi de Mayorque, et les lettres patentes du roi Jean, en date du 28 avril 1363, rappellent qu’un droit d’un denier pour livre était frappé sur toutes les marchandises importées ou exportées par mer, et que cette même taxe était établie pour tous les navires en transit. Tout navire, une fois entré dans le rayon du farot d’Aigues-Mortes, était tenu d’y venir acquitter les droits prescrits. Une galère armée était toujours prête à appareiller pour saisir les barques de commerce qui déchargeaient leurs marchandises sur d’autres points du littoral, notamment dans les graus situés à l’ouest d’Aigues-Mortes au moyen desquels on pouvait remonter au port de Lates, à 2 kilomètres seulement de Montpellier. Malgré les vives réclamations des habitans de cette ville, les marchands italiens furent soumis, comme les nationaux, à l’obligation d’aborder au port d’Aiguës-Mortes. L’impôt fut même doublé et quadruplé après saint Louis, et une requête, adressée en 1356 par les consuls de Montpellier au roi Jean, parle de la taxe de « quatre deniers pour livre sur toutes les marchandises qui viennent et s’en vont par ledit port d’Aigues-Mortes. » Ce port était en fait le seul reconnu de tout le Languedoc. Il était défendu d’ouvrir de nouveaux graus et même de profiter de ceux qui existaient naturellement depuis la rivière de l’Aude jusqu’aux embouchures du Rhône, et le roi Jean édictait solennellement que « de Narbonne à Aigues-Mortes et du cap de Leucate au grau de Passon (c’est ainsi qu’on désignait alors la bouche du grand Rhône), nul ne serait assez osé pour faire ouvrir un grau ou pour aborder avec une nef ou toute autre espèce de navire ailleurs