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REVUE LITTÉRAIRE

LES SALONS DE DIDEROT.

Vous n’avez rien de mieux à faire, il pleut, et, par hasard, vous vous sentez en disposition de payer un peu de plaisir d’un peu d’ennui. Je sais la pièce que vous pourriez aller voir et je sais aussi le roman que vous pourriez lire, mais pour aujourd’hui vous aimez mieux remonter dans l’histoire, et vous avisez sur les rayons de la bibliothèque une édition de Diderot. Justement, depuis quelques années, « le philosophe » est à la mo le On le croyait oublié, que dis-je? on le croyait enterré sous le lourd amas des in-folio de son Encyclopédie,


Mais voilà qu’il renaît de sa chute profonde,


et qu’à la faveur d’une édition nouvelle[1] son nom, comme jadis, court dans les bouches et sous les plumes des hommes. C’est le temps de le lire : peut-être bien, — tant la vogue est passagère, — n’en retrouveriez vous pas de sitôt l’occasion.

Vous feuilletez donc ces vingt volumes. De loin en loin vous notez une réflexion qui trahit le philosophe : de deux prémisses fausses on voit encore assez souvent, comme par une dérision de la logique, sortir une conclusion vraie; c’est ainsi qu’à force d’entre-choquer des sophismes, Diderot, quelquefois, en fait jaillir une vive lumière. Une étincelle brille, file, et soudainement s’évanouit. Vous ne laissez pas d’ailleurs de lire quelques pages, de ci, de là; c’est la bonne manière de lire Diderot,

  1. En rappelant cette édition, toute récente encore, nous nous faisons un agréable devoir de rappeler en même temps au souvenir du lecteur les belles études de M. Caro dans la Revue du 15 octobre, du 1er novembre, et du 1er décembre 1879.