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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/785

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est toute remplie encore des courroux que vous lui avez inspirés ; c’est que les idées les plus saines, les plus justes, vous les lui avez rendues suspectes. Si l’ordre lui parait despotisme, si la modération envers l’étranger lui est suspecte de servilisme, c’est votre faute et non la nôtre... » De toutes parts il faisait face à l’ennemi, rendant guerre pour guerre, décorant la défense de l’éclat du courage et de la parole, intimidant un adversaire qui dans une interruption lui criait qu’une de ses lois de répression serait impuissante : « Eh bien ! répliquait-il, avec une bonne humeur résolue, essayez ! Cette loi que vous dites impuissante et inexécutable, moi je me charge de la faire exécuter... » Et on ne doutait pas qu’il ne le fît!

Le combat, le combat de tous les jours pour l’existence n’était du reste qu’une partie et même la moindre partie de cette politique du 11 octobre. Rallier et féconder les intérêts, populariser le régime nouveau par les œuvres utiles, réaliser les conséquences les plus légitimes de la révolution, c’était une autre manière de fonder la monarchie de 1830. Le ministère de la résistance se piquait d’être en même temps le ministère de l’action profitable et efficace. Il disait avec M. Guizot que, lorsqu’on était sorti de l’ordre, le premier progrès était d’y rentrer et qu’avec cela tous les autres progrès devenaient possibles. Il y avait de la sève, de l’émulation dans ce pouvoir ne en pleine lutte, et tandis que le duc de Broglie suivait avec dignité les affaires de Belgique, d’Italie ou d’Espagne, tandis que le maréchal Soult faisait adopter toutes ces lois sur le recrutement, sur l’état des officiers, sur l’avancement qui réorganisaient l’armée, tandis que M. Guizot accomplissait sa grande et libérale réforme de l’enseignement primaire (1833), M. Thiers, lui aussi, avait son ambition. Il n’entendait pas se bornera prendre la duchesse de Berry ou à vaincre les républicains de Paris et de Lyon. Il proposait et il faisait voter un crédit de 100 millions destiné à tout un ensemble d’entreprises, les unes d’utilité publique, les autres de décoration nationale. Il traçait un programme de travaux embrassant les routes de la Vendée, les canaux, les ports et en même temps l’achèvement de la Madeleine, de l’Arc-de-Triomphe de l’Étoile, du Muséum. Il laissait entrevoir l’achèvement du Louvre, le déplacement de la Bibliothèque nationale, qui est encore en question. Le premier il mettait la main à ce qui s’est appelé depuis la transformation de Paris. Dans ces travaux d’intérêt national conçus avec une certaine hardiesse pour la circonstance, mais présentés avec art comme l’exécution d’une pensée traditionnelle, il voyait une sorte de complément de l’œuvre de fondation à laquelle il concourait. « Le gouvernement venant après quarante ans d’essais politiques en tout genre, disait-il, a eu pour but de résumer, de