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sans arrêt dans sa grâce souple et sinueuse. Le modelé des formes qu’enveloppe ce contour pourrait être plus accusé et serré de plus près dans le torse, le ventre et les jambes; mais l’effacement même de ce modelé ramène le regard vers la silhouette et l’invite à en suivre les ondulations. Nous souhaiterions aussi quelques accens plus précis dans le Mercure, de M. Delorme. La pose est naturelle, le corps a de l’élégance et les pondérations sont bien établies ; si la forme était plus arrêtée par places, le travail prendrait le condiment d’animation et de variété qui lui manque.

Peut-être est-ce par crainte de la rondeur et de la monotonie que nos sculpteurs subissent la séduction des types grêles auxquels ils se complaisent depuis quelques années, et dont M. Lefeuvre nous présente un nouvel exemplaire. Son œuvre est délicate, elle a du charme ; le modelé de ce jeune corps un peu gauche est très fin et l’expression ingénue du visage fait honneur à l’artiste. Mais, d’une façon générale, nous trouvons qu’on abuse un peu de ces âges intermédiaires et de ces adolescences en voie de formation. La gracilité n’est pas un régime qui convienne à la sculpture, et elle gagnerait à choisir dans la nature des états moins transitoires et mieux affinités. Nous savons donc gré à M. Turcan de nous avoir montré dans son Ganymède des formes plus pleines et d’avoir aussi, dans ce sujet scabreux, indiqué sur les traits de ce jeune garçon quelque chose comme un sentiment de réserve et de pudique étonnement. La pose d’ailleurs est pleine d’abandon et la lumière glisse bien sur ce bronze dont le travail est large et facile. Enfin la puissance et la vie que M. Becquet a mises dans son Faune jouant avec une panthère doivent lui mériter nos suffrages. L’énergie, la concision et la liberté de l’exécution y sont remarquables. Bien que mêlée, comme elle est ici, de quelque vulgarité dans le type du modèle, la bestialité un peu sauvage de la tête ne messied pas trop à cette étrange créature, et l’expression de la force est devenue chose si rare dans la statuaire de notre époque que nous ne pouvions pas manquer de la saluer dans l’œuvre de M. Becquet.

Comme toujours, les bustes sont nombreux; beaucoup sont excellens et mériteraient un plus long examen : tout d’abord celui de M. Pasteur, par M. Dubois, très bien composé, d’une exécution souple, d’une physionomie partiale et franche, avec ces inflexions et ces particularités délicates par lesquelles l’éminent sculpteur sait avec tant d’à-propos compléter le caractère de ses œuvres. Citons seulement encore, car il faut passer vite, le buste de Mlle Krauss, par M. Franceschi, un visage intelligent où respirent l’énergie et la volonté; celui de Mme S. S***, par M. de Saint-Vidal, une tête élégante, bien dégagée, bien posée, et qui rappelle