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L’EXPÉDITION AU RIO-NEGRO

SOUVENIRS DE LA FRONTIÈRE ARGENTINE.

L’appétit, dit-on, vient en mangeant. Les beaux succès obtenus dans la guerre indienne avaient mis la République Argentine en goût de les pousser à fond. Il était donc vrai : ces nuées de cavaliers sauvages, fléau séculaire et humiliant des estancias, voilà à quelle extrémité les avaient réduites un ensemble de mesures bien conçues, vigoureusement exécutées[1]. Mises hors d’état de nuire, les tribus se trouvaient hors d’état de vivre. Les dernières expéditions légères lancées par le docteur Alsina mourant avaient à cet égard convaincu les plus incrédules. L’opinion publique, longtemps hésitante en présence des innovations du hardi ministre, passa, comme c’est son habitude, à une confiance absolue en son système, et se préparait à se montrer particulièrement exigeante envers son successeur. Elle a eu lieu d’être satisfaite.


I.

Le nouveau ministre de la guerre, don Julio A. Roca, était le plus jeune colonel de l’armée argentine lorsqu’il en devint, vers la fin de 1874, le plus jeune général à la suite d’un brillant combat contre la dernière armée rebelle. Il avait vécu depuis lors à la frontière dans une retraite studieuse, observant le tour nouveau pris par la guerre indienne, élucidant les problèmes fort obscurs que présentait

  1. Voyez la Revue du 1er mars 1879.