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des premières années de la troisième république ? Pour faire voir combien les faits expliquent peu les excès de la politique qui prévaut aujourd’hui. Jamais gouvernement établi n’a eu moins de causes d’irritation et d’emportement ; La restauration, la monarchie de juillet, le second empire, ont connu des conspirations, des insurrections, des assassinats. La république de 1870 n’a rien eu de pareil à supporter, si ce n’est de la part de ses criminels amis. Mise en question un moment, alors qu’elle n’avait pas encore d’existence constitutionnelle, de simple gouvernement révolutionnaire reconnu seulement pour un pouvoir légal à titre provisoire elle est devenue le gouvernement définitif du pays, grâce au vote des monarchistes sensés et patriotes. Quand donc on nous dit que le parti républicain ne fait qu’user de représailles contre les mortels ennemis de la république, on abuse vraiment de l’ignorance et de la crédulité populaires. La vérité est que ce parti a eu toutes les faveurs de la fortune, servi à point par les fautes et les divisions de ses adversaires, et ne trouvant à gouverner le pays le plus docile du monde en ce moment d’autres difficultés et d’autres obstacles que ceux qu’il sème comme à plaisir sur ses pas. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher l’explication de l’attitude militante de nos nouveaux jacobins. Sous les grands mots de conspiration monarchique et de péril clérical, qui trompent bon nombre de gens naïfs, se cache une politique que nous voudrions mettre dans tout son jour. Il est temps que le public sache le vrai mot de la comédie qu’on lui joue en ce moment sur le ton du drame.


I

En s’entendant appeler jacobins, les républicains qui approuvent l’article 7, la dispersion des congrégations, l’épuration sans trêve et sans fin des fonctionnaires, sourient d’étonnement, comme s’ils voulaient dire : Que pouvons-nous bien avoir de commun avec ces terribles hommes ? Et si l’on dit à des ministres du tempérament de nos gouvernans actuels qu’ils pratiquent une politique jacobine, ils se récrient et répondent avec une entière bonne foi : « Est-ce bien nous qu’on accuse d’être violens, nous qui ne parlons que de concorde, et qui convions tous les partis aux fêtes de la paix et du travail ? » Il faut leur rendre cette justice qu’une telle politique n’est guère de leur goût. Le ministère actuel n’est pas le premier, hélas ! qui ait accepté le pouvoir pour faire une autre volonté que la sienne, avec les meilleures intentions du monde. Nous convenons volontiers aussi que nos nouveaux jacobins ne ressemblent guère à leurs pères de 92 et de 93. Ceux-ci avaient