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du 10 février 1675. Dans cet acte, la compagnie exprimait l’espérance que le pape, entrant dans la véritable intérêt des églises de France et comprenant les motifs de paix qui avaient fait agir le clergé, recevrait favorablement la lettre qu’elle était résolue de lui écrire, pour lui bien expliquer les raisons de sa conduite. Les députés s’étaient flattés qu’Innocent XI approuverait la façon dont ils terminaient un différend avec l’autorité royale qui troublait l’église depuis plusieurs années ; mais le temps n’était plus où le souverain pontife voyait dans les évêques des collaborateurs investis presque des mêmes droits que lui-même et au milieu desquels il n’était guère que le primus inter pares. La doctrine de l’infaillibilité pontificale avait gagné bien du terrain, et les envahissemens de l’autorité papale effrayaient ceux mêmes qui, comme Fénelon, acceptaient cette infaillibilité. « Les papes, dans ces derniers siècles, écrivait l’archevêque de Cambrai dans son ouvrage latin sur l’autorité du pape, ont négligé l’antique coutume de définir, de concert avec les évêques, qui sont leurs frères, et même ils ont voulu déprimer l’épiscopat tout entier. » Le saint-père, qui avait été déjà informé des résolutions prises par l’assemblée tenue à Paris, en manifesta son mécontentement, et, la lettre arrivée à Rome, il la garda trois jours sans l’ouvrir et n’y répondit que le 11 avril, pour casser les décisions de l’assemblée. Le bref fut apporté, le 6 mai, par l’abbé Lauri, auditeur de la nonciature, à Courcier, secrétaire de l’assemblée. Celui-ci crut devoir, par déférence, avant de le recevoir, prendre les ordres du président de l’assemblée. Il n’y avait pas moyen de le supprimer, et la réponse papale fut lue en séance trois jours après ; Innocent XI traitait la compagnie en termes fort durs. Il trouvait mauvais le motif qu’elle avait mis en avant pour acquiescer à l’édit royal, motif qui, ainsi qu’on l’a vu, était la crainte de voir la discorde s’établir entre le sacerdoce et la couronne. Cette crainte, Innocent XI la condamnait comme indigne des défenseurs de l’église. Et non-seulement il annulait la décision qui étendait le droit de régale aux provinces qui en avaient été exemptes, mais ; il repoussait ce droit même comme une atteinte portée à l’autorité de l’église. Si ce bref n’amena pas une rupture entre le souverain pontife et l’épiscopat français, que l’attachement à ses prérogatives n’empêchait pas de vouloir demeurer uni au saint-siège, par contre il irrita au dernier degré Louis XIV, indigné de voir le pape lui dénier un droit à l’exercice duquel il était résolu à ne point renoncer. La lettre d’Innocent XI ne pouvait donc qu’envenimer la querelle entre Rome et Versailles. Les conseillers du monarque les plus opposés aux prétentions de la papauté, Colbert, le chancelier Le Tellier, son fils l’archevêque de Reims, Fr. de Harlay, jugèrent le moment opportun pour obtenir de l’assemblée une décision plus