Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 40.djvu/638

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

catégorique. Puisque le saint-père avait traité dans son bref les évêques en sujets révoltés, c’était, disaient-ils, à eux de revendiquer leurs droits, et afin de les y amener, ils poussèrent le roi à demander à la compagnie une déclaration qui pût être opposée à un bref pontifical. On entrait dans une voie périlleuse où l’orthodoxie de l’église gallicane risquait de se compromettre. Bossuet, tout en soutenant le principe de l’indépendance des évêques, voulait qu’on se contentât de la décision de la Sorbonne que le pape n’avait point ostensiblement condamnée. Le P. de La Chaise, tout jésuite qu’il fût, tenait pour les droits de son royal pénitent ; de même qu’il s’était hautement prononcé en faveur de la régale, il approuvait l’idée d’un manifeste de l’épiscopat. Cette idée ne pouvait manquer d’être accueillie par l’assemblée, car il lui fallait, si elle voulait maintenir ses résolutions en face du saint-père, formuler nettement le droit des évêques. Une déclaration solennelle des principes qu’elle entendait adopter était le corollaire naturel de l’acte au prix duquel l’édit de janvier avait été obtenu. On l’avait si bien compris que plusieurs mois avant l’arrivée du bref, antérieurement à l’édit de janvier, une commission de l’assemblée avait été chargée de traiter la question doctrinale touchant la nature de l’autorité des évêques. Le gouvernement comptait sur cette commission pour faire consacrer d’une manière plus solennelle les six articles de la Sorbonne, dont il voulait faire une loi fondamentale du royaume. Ces six articles établissaient que le pape n’a aucune puissance sur l’autorité temporelle du roi, laquelle ne relève que de Dieu, qu’il ne peut déposer à son gré les évêques et se placer au-dessus des conciles, son autorité n’étant point infaillible. On ne trouvait au reste là que ce qui était de tradition dans l’église gallicane, et en cherchant à faire sanctionner par l’épiscopat de France tout entier de tels principes, Louis XIV n’innovait pas. Les parlemens, qui y étaient encore plus attachés que le clergé gallican, s’étaient hâtés d’enregistrer la décision de la faculté de théologie de Paris, que la déclaration royale du 4 août 1663 avait corroborée. Cette déclaration portait défense d’enseigner dans le royaume une doctrine contraire aux six articles de la Sorbonne. La question demeurée obscure et controversée de l’autorité du saint-siège se trouva ainsi soulevée, et le travail de la commission pouvait donner lieu à de dangereux et interminables débats. Bossuet, voyant l’impuissance de ses efforts pour éviter qu’on ne se lançât dans une si grosse entreprise, consentit à proposer qu’on abordât la matière, mais il demanda qu’on y apportât toute la maturité nécessaire. Cela ne faisait pas le compte de Louis XIV, qui était pressé de sortir de la situation délicate que lui faisait le bref. Son entourage le poussait à demander à l’assemblée de statuer au plus tôt, et il donna l’ordre à la commission de hâter le travail.