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La troisième question est toujours pendante. Les efforts faits pour la résoudre, notamment par M. Gladstone, n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à calmer les passions opposées ou à satisfaire les intérêts rivaux.

Ce sont ces trois questions dont nous allons étudier la naissance et le développement dans les pages qui suivent.


I

Au moment où éclata la révolution française, il y avait trente-neuf ans que George III régnait en Angleterre : il y en avait six que William Pitt était premier ministre. Cet homme extraordinaire, investi, dès l’âge de vingt-quatre ans, dans un pays libre, d’un pouvoir égal à celui dont avaient joui un Ximenès et un Richelieu dans des monarchies absolues, n’en avait usé jusqu’alors que pour pratiquer une sage politique et réaliser d’utiles réformes. Il avait défendu la prérogative royale sans sacrifier les privilèges du parlement et les droits du pays ; il avait rétabli l’équilibre financier sans rendre trop lourd pour les contribuables le poids des impôts ; il avait donné à l’empire anglo-indien une charte nouvelle qui conciliait dans une juste mesure l’autorité légitime de l’état et les intérêts respectables de l’antique compagnie des Indes. Supprimez la révolution française ou retardez-la de vingt ans : Pitt serait mort avec la réputation d’un ministre pacifique et réformateur, respectueux des libertés publiques, économe de l’or et du sang de ses concitoyens. Tant il est vrai que, si les hommes d’état dirigent souvent les événemens, parfois aussi les événemens les dominent et les emportent loin de leur but !

Parmi les réformes que Pitt semblait destiné à réaliser, il y en avait une qui faisait en quelque sorte partie du patrimoine politique de sa famille. Lord Chatham, à plusieurs reprises, avait appelé l’attention du parlement sur les vices du système électoral de l’Angleterre. La réforme que le père avait souhaitée et réclamée, le fils, à son entrée dans la vie politique, eut l’ambition de l’accomplir. Deux fois il présenta à la chambre des communes un bill pour améliorer la représentation du royaume. Répartition plus équitable des sièges parlementaires, diminution du nombre des bourgs-pourris, répression plus sévère de la fraude et de la corruption, telles étaient les bases de cette proposition. Elle fut repoussée par la chambre des communes dans deux sessions consécutives. Pitt la renouvela quand il fut arrivé au pouvoir : il échoua encore. La plupart de ses amis politiques votèrent contre lui dans cette circonstance. Cependant il avait un tel empire sur eux qu’il aurait