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l’affaire de Jackson, en 1794, avait été obligé de passer en Amérique pour échapper aux recherches de la police anglaise. Ce personnage, entreprenant et actif était arrivé récemment à Paris. Il s’était fait présenter à Carnot, alors membre du directoire, et à Clarke, ministre de la guerre. Ce dernier, qui était d’origine irlandaise, se prit de goût pour Wolfe Tone et se laissa gagner par lui à l’idée d’une expédition en Irlande. Les préparatifs de l’entreprise furent conduits avec secret et avec activité. Hoche fut placé à la tête du corps de débarquement, et le commandement de l’escadre fut confié à l’un des meilleurs marins de ce temps, le contre-amiral Bouvet.

Le 15 décembre 1796, l’expédition partait de Brest. Elle n’arriva même pas en vue des côtes d’Irlande : elle rencontra sur sa route une tempête qui la dispersa. Tandis que le gros de l’escadre rentrait à Brest, le bâtiment qui portait le général en chef fut forcé de se réfugier à la Rochelle. Cette mésaventure suffit pour décourager le gouvernement français. Notre marine étant trop faible pour lutter contre celle de l’Angleterre, l’expédition projetée n’aurait pu réussir qu’à la faveur d’une surprise, sur laquelle il n’y avait plus à compter. Le corps de débarquement fut dissous, les troupes qui le composaient expédiées sur différens points, et Hoche envoyé à l’armée de Sambre-et-Meuse. Dix-huit mois après, Bonaparte, qui venait de terminer la campagne d’Italie et de signer le traité de Campo-Formio, caressa un instant, à son tour, la pensée d’un débarquement en Irlande. Il décida le directoire à former une armée d’Angleterre, dont le commandement lui fut confié. Cependant, soit que ce projet n’eût jamais été bien sérieux, soit que Bonaparte en eût reconnu ultérieurement les difficultés, il ne tarda pas à l’abandonner. L’armée d’Angleterre devint l’armée d’Égypte.

L’expédition avortée du général Hoche n’avait fait qu’aggraver la situation de l’Irlande, en effrayant le gouvernement anglais, en surexcitant les espérances des Irlandais-Unis et en achevant de décourager les libéraux modérés tels que Grattan. Dans de pareilles conditions, le résultat des élections qui eurent lieu quelques mois après ne pouvait être douteux. Nommés au milieu de l’agitation des esprits par un corps électoral où dominait l’influence des propriétaires protestans, les députés envoyés en 1797 à la chambre des communes d’Irlande appartenaient en immense majorité au parti gouvernemental. Les bancs de l’opposition étaient presque vides. Ponsonby et son petit groupe d’amis n’avaient pas quitté la vie politique comme Grattan, mais ils paraissaient rarement aux séances du parlement et ne prenaient aucune part aux discussions. La majorité gouvernementale, sans contre-poids et sans contrôle, pouvait donc se livrer à ses tendances naturelles. Le chef réel du gouvernement