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camp de la Camargue, pour diriger de là une incursion sur les côtes de l’Italie, où ils ravagèrent et pillèrent Pise et d’autres villes. Voilà comment les Normands apprirent le chemin de la Méditerranée, et ils s’en souvenaient quand, près de deux siècles plus tard, les descendans de quelques-uns de ces chefs scandinaves auxquels la faiblesse des Francs avait concédé des terres en Neustrie vinrent en certains cantons de l’Italie chercher l’emploi de leur bravoure et satisfaire leurs désirs de faire fortune. C’étaient les Varègues du sud, les Varangiens, comme on les appelait, et dont les bandes servaient depuis près d’un demi-siècle les empereurs de Byzance, toujours en quête de mercenaires pour grossir leurs armées. Ces Varangiens de l’empire d’Orient se confondaient souvent pour les Grecs avec les Slaves, auxquels, comme on l’a vu tout à l’heure, les Varègues de Novgorod s’étaient mêlés. Ils fournirent à Constantinople, pendant vingt-cinq ans, au commencement du Xe siècle, un corps auxiliaire qui s’était acquis un grand renom dans l’armée grecque. Les chroniqueurs byzantins vantent fort le courage et l’esprit militaire de ces Varangiens, autrement dits de ces Normands qui gardaient leur vieille armure nationale, en Russie comme à Constantinople, en Neustrie comme en Italie, et dont la taille élevée étonnait les Arabes, qui les comparaient à des palmiers. Vêtus de la cotte de mailles, coiffés du casque pointu qui se voit sur la tapisserie de Bayeux, ils combattaient à pied la lance au poing, avec cette solidité, ce sang-froid qu’on admira encore dans ce siècle chez les highlanders de l’armée britannique, c’est-à-dire précisément chez des soldats recrutés dans une partie de l’Ecosse toute pénétrée de sang scandinave. Aussi quand, en l’année 1030, Michel IV le Paphlagonien se décida à entreprendre une expédition contre la Sicile pour l’arracher à la domination musulmane et réunit des forces considérables, s’empressa-t-il de tirer de l’Asie où ils combattaient pour lui, ces mercenaires varangiens qui promettaient d’être les meilleurs soldats du corps d’expédition. Il les envoya dans la Pouille, puis en Sicile[1]. Son habile général, George Maniak, qui s’était signalé dans le gouvernement des villes de l’Euphrate, par la prise d’Edesse et la guerre contre les Sarrasins d’Asie, fit appel au concours d’un des chefs de ces bandes scandinaves, Girgir, que la Saga donne pour inséparable compagnon au prince norvégien Harald. Ce n’était pas en Orient seulement que se rencontraient ces mercenaires. Tandis que les Varangiens étaient arrivés par les contrées slaves à Constantinople, d’autres Normands

  1. Un savant russe, M. V. Vasilievskyi a publié, sur les Varègues de Constantinople, un intéressant mémoire où il a réuni tout ce qu’on sait de leur histoire.