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pas. Cela tient à ce que les montagnards sont dépourvus d’armes à feu. Il y a des chevreuils et des léopards.

A côtés de rizières tenues avec le soin que les Chinois apportent à leurs cultures, croissent les meilleurs arbres fruitiers de l’Europe. Il est tel vallon verdoyant où l’on peut rencontrer, réunis dans un même verger, des ananas, des bananiers, des pêchers, des cerisiers, et jusqu’à des châtaigniers et des noyers. Mais ce n’est point par l’abondance de ces produits horticoles que brille la province en question : il faut chercher son importance dans les mines dont elle est abondamment dotée. La nature a répandu dans cette région accidentée, arrosée de grands fleuves dont quelques-uns prennent leur source presque dans le Thibet, des minéraux non moins remarquables par leur variété que par leur valeur. Il n’est pas de contrée au monde qui, sous ce rapport, puisse l’égaler. Le cuivre, l’argent, le fer, l’or, le mercure y abondent. La houille s’y trouve presque partout. A cinq lis[1] de Yunnan-Fou, au nord-est de cette capitale, est situé le temple de Tsu-shih. Cet édifice, qui date du XVIIe siècle, est tout en cuivre : pas la moindre parcelle de bois n’est entrée dans sa construction ; tuiles, portes, fenêtres, etc., tout est de ce métal. C’est, paraît-il, un témoignage de reconnaissance des mineurs et des artisans de la province au dieu Bouddha.

Avant que cette contrée fût dépeuplée par la guerre civile, elle approvisionnait l’empire chinois de presque tous les métaux qui lui étaient nécessaires. Le pays était couvert alors de petits ateliers qui, malgré des procédés d’exploitation souvent primitifs, n’en fournissaient pas moins une production métallique très considérable. La plupart de ces établissemens ayant été détruits et les ouvriers dispersés par la guerre, cette industrie s’est détournée du Yunnan. Mais, depuis la paix, les mines se repeuplent par suite de l’affluence des immigrans des provinces voisines, dont la population est exubérante. Que le Tonkin devienne un jour français, que des hauts fourneaux s’y élèvent non loin des frontières chinoises, et l’on verra quels résultats admirables l’on obtiendra ! Les trésors que les montagnes du Yunnan recèlent, transportés par le Fleuve-Rouge jusqu’au golfe de Tonkin, fourniront certainement avec le riz de la Cochinchine un fret inépuisable aux flottes marchandes qui en réclament.

C’est lorsque le Fleuve-Rouge est descendu jusqu’à la ville chinoise de Mang-hao que sa navigation est possible, et encore pour aller de ce point à Lao-kaï, ville frontière, il se trouve des rapides

  1. Li, 500 mètres environ.