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presque infranchissables pour des bateaux à vapeur. En arrivant à Lao-kaï, en 1873, M. J. Dupuis, afin d’éviter les ennuis d’un transbordement, fit aller jusqu’à Mang-hao, et cela sans difficulté, une barque chargée de marchandises à Hannoï. Les gens du pays qui trafiquent entre Lao-kaï et Mang-hao se servent d’embarcations dont les chargemens n’excèdent pas 10,000 kilogrammes, ce qui est pour un torrent un assez bon tonnage. Les embarcations sont faites d’un bois rouge très dur qui croît en abondance dans les forêts voisines du fleuve. En raison des défilés et de la hauteur des rives sur certains points, les voiles se déroulent le long des mâts à la façon des oriflammes ; à l’avant se trouve un long aviron servant à faire évoluer rapidement le bateau dans les passages difficiles. Parfois le Fleuve-Rouge éprouve dans ces hautes régions des crues subites. Elles sont dues, au dire des habitans, à des pluies torrentielles qui tombent sur les grands plateaux. Lorsqu’elles se produisent, la navigation est forcément interrompue, et les bateliers, habitués à ces brusques changemens, emploient leur temps à garantir leurs embarcations du choc des troncs d’arbres ou autres blocs roulans.

Pendant que M. de Kergaradec se trouvait en mission à Mang-hao, les eaux du fleuve montèrent de 2 mètres. La vitesse du courant était telle qu’elle tenta le voyageur ; il y livra sa barque, et la tentative lui réussit, car il ne mit pas tout à fait sept jours pour revenir du Yunnan à la capitale du Tonkin. Il en faut ordinairement de quinze à vingt.

En amont de Mang-hao, le fleuve présente encore quelques endroits navigables, mais à de rares intervalles ; les indigènes se servent alors de petites embarcations faites spécialement pour ces courts trajets. En d’autres endroits, le fleuve coule très encaissé entre des rives perpendiculaires qui surplombent ; ailleurs, il se précipite si tumultueusement contre des roches qu’il serait imprudent de s’y hasarder ; mais, comme nous l’avons dit, le fleuve offre cet inconvénient en amont de Mang-hao seulement.

La bourgade de Mang-hao, bâtie sur la rive gauche, au pied de la montagne Wang-taï-pu, très florissante avant que la guerre civile désolât le Yunnan, compte quinze cents âmes. Il y a aussi quelques habitations sur la rive droite ; c’est là que se tient le marché où viennent les tribus sauvages dont le territoire s’étend jusqu’au Laos. Il s’y fait un commerce assez important d’étain et d’opium du Yunnan ; ces produits s’échangent contre du sel marin, du tabac et du coton de Fo-kien. Il s’y importe des cotonnades européennes et de la mercerie, anglaise. M. de Kergaradec croit que le commerce français trouverait ici le placement de plusieurs de nos articles et principalement de draps rouges et noirs, de conserves