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une lettre du comte de Crécy, ancien secrétaire de la reine de Portugal, à Madame Royale[1].

« Je crois, madame, que V. A. R. aura appris, il y a quelques mois, de Mme de Lafayette, des nouvelles d’un certain libelle aussi fol que malin, qui commençait de paraître et que nous eûmes le bonheur de supprimer, le père Verjus et moi, en le faisant brûler en notre présence et en retirant de la personne qui l’avait un engagement par écrit d’en nommer les auteurs et de vouloir bien passer pour infâme si jamais il en paraissait aucune copie. Mme de Lafayette n’a pas laissé d’avoir des raisons d’appréhender depuis environ quinze jours ou trois semaines que ce même écrit revînt dans le monde et fût imprimé en Hollande, ou qu’il y parût quelque autre qui ne valût pas mieux. M. l’ambassadeur, à qui Mme de Lafayette a témoigné cette crainte, n’en a point de plus grande que de paraître se mettre en peine de ces sortes de choses et d’exciter par là quelques esprits inquiets à faire ce qui autrement ne leur serait peut-être pas tombé dans la pensée. J’ai été en cela de son sentiment. »

Madame Royale n’approuva pas apparemment la manière de voir de son ambassadeur, car celui-ci se montre tôt après converti aux mesures de vigueur et se hâte d’assurer la régente qu’il a maiûtenani la pleine approbation de Mme de Lafayette. Sa docilité, dûment confirmée par la comtesse, lui valut de sa souveraine le certificat de bonne conduite qu’on va lire :


« 17 octobre 1682.

« Nous convenons avec autant de plaisir que de justice de ce que Mme de Lafayette vous a dit, qu’il ne se peut rien ajouter aux soins que vous prenez pour notre satisfaction dans l’affaire de Lescau, ni veiller avec plus de prudence aux moyens de découvrir au fond quel est cet homme et qui le fait agir, et vous pouvez croire que nous vous en savons le meilleur gré du monde. »

La grande affaire de la Généalogie est à peu près de la même époque. Un sieur Du Bouchet, dont les malveillantes intentions ne sont rien moins que prouvées, avait dressé une Nouvelle Généalogie de la Mayson royale et très ancienne de Savoye, où il établissait qu’on avait à tort fait descendre cette maison de Bérold de Saxe. L’abbé de Sainte-Croix, postulant à la place d’historiographe de Madame Royale, avait eu vent de ce travail et s’était aussitôt offert à Turin

  1. M. Perrero, à qui nous empruntons cette lettre, n’en donne pas la date, mais il nous paraît, d’après diverses circonstances, qu’elle fut écrite en 1682.