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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/438

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communion avec l’absolu, — culte que, à vrai dire, il fait consister tout entier, non dans la forme des rites, mais dans la valeur des sentimens condensés sous forme d’adoration et de prière. C’est surtout à la prière individuelle et spontanée qu’il assigne un rôle important dans sa liturgie, non en vue de demander une modification miraculeuse des lois naturelles ou même de détourner l’expiation des fautes commises, mais afin de procurer au pécheur purifié par le repentir la force de ne plus retomber dans ses anciens égaremens. « Le brahmaïsme, dit le Brahma Dharma, est distinct des autres religions et cependant il est l’essence de toutes… Les hommes de toute contrée et de toute race qui professent cette religion naturelle sont des brahmaïstes. »

Sur cette théologie aussi simple que rationnelle, Keshub vint malheureusement greffer des théories qui sont une réaction peut-être inconsciente du mysticisme hindou contre la rigidité des tendances rationalistes développées dans le brahmaïsme au contact de la philosophie européenne. Dans un sermon sur les « grands hommes » qui fit beaucoup de bruit à Calcutta, en 1866, il cherche à établir qu’outre la conscience et la nature il existe un troisième canal par où Dieu se révèle à l’esprit humain. C’est l’action des hommes providentiels qui représentent particulièrement « Dieu dans l’histoire. » Les bienfaiteurs et les réformateurs de l’humanité, ajoutait-il, peuvent donc être regardés comme des incarnations divines, non dans l’acception vulgaire qui prête à l’être infini une enveloppe humaine, mais en ce sens que Dieu, présent dans chaque homme, se manifeste davantage chez certaines natures d’élite. « Que les églises aujourd’hui hostiles interprètent de la sorte le dogme de leurs hommes-Dieu, et rien n’empêchera plus qu’elles ne s’unissent par les liens de la foi en un père commun, ainsi que de l’estime et de la gratitude pour leurs prophètes respectifs. » — C’était là une conclusion fort élevée ; mais, par les développemens qu’il donnait à sa définition des hommes providentiels, Keshub en faisait une classe d’esprits à part, intermédiaires entre la masse et Dieu, supérieurs aux lois apparentes de la morale universelle, et infaillibles dans leur conduite, lorsqu’ils agissaient sous le coup d’une inspiration divine.

À quels signes reconnaîtra-t-on les élus de la Providence ? — Keshub n’en dit rien ; il se borne à expliquer que ce rôle de prophète peut devenir l’apanage de quiconque, par l’application et l’intensité de sa prière, sait en quelque sorte prendre possession de la divinité. « L’inspiration et la prière, dit-il dans un sermon sur l’inspiration, sont deux faces du même phénomène de la vie spirituelle. Dans la mystérieuse unité de cette action réciproque entre l’esprit de l’homme et l’esprit de Dieu, c’est à peine si la cause