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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/452

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CONTE PARISIEN

L'ENFANT DE LA BALLE

I


Parfois dans un coin triste et noir pousse une fleur.

Sa mère était concierge et son père souffleur
D’un théâtre qui fit des faillites célèbres.
Semblables aux hibous qui voient dans les ténèbres,
Ces époux vivaient là, venus on ne sait d’où,
La femme dans sa loge et l’homme dans son trou.
Une enfant leur naquit ; elle vit la lumière
— Du gaz, bien entendu, — le soir d’une « première, »
A l’heure où justement la toile se levait.
L’homme était à son poste, éloigné du chevet
De sa femme ; mais tous songeaient à l’accouchée.
Les actrices, leur scène une fois dépêchée,
De bruyans falbalas emplissant l’escalier,
Auprès de la malade allaient se relayer ;
Et, lorsque fut passé l’instant le plus critique,
L’ingénue, — elle avait un fils en rhétorique
Et venait de donner les soins les plus adroits, —
Profita de son grand monologue du « trois, »
Alors que, d’une infâme action accusée,
Elle devait-tomber, sur le sol, écrasée
Sous un fardeau trop lourd d’angoisse et de douleur,
Pour accomplir sa chute en face du souffleur