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dirige cette réunion, qui prononce le discours le plus important, qui propose les résolutions. Préoccupé dès cette époque de l’idée de créer une organisation permanente, non pas en vue d’un mouvement insurrectionnel, mais en vue d’une agitation légale, il fonde le Bureau catholique, qui est dissous en 1804 après le complot de Robert Emmett. Privé de cette arme, il cherche d’autres moyens d’action. Par son conseil, une pétition est adressée à Pitt pour lui rappeler les espérances données aux catholiques à l’époque du vote de l’acte d’union. Pitt venait de rentrer au pouvoir, et l’on n’ignorait pas que le roi lui avait fait promettre de ne plus soulever cette question, sa vie durant. Le premier ministre était donc dans une situation extrêmement fausse. Lorsque la pétition lui fut présentée par les lords Fingall, Shrewsbury, Kenmare, Trimleston, par sir Edward Bellew, par MM. Scully et Ryan, il ne put répondre que par des paroles évasives. Naturellement on ne s’en tint pas là. On porta la question devant le parlement. Grenville, dans la chambre haute, Fox dans la chambre des communes, soutinrent les réclamations des catholiques. Pitt n’eut pas le dessus dans la discussion ; il n’en obtint pas moins une majorité considérable. Le moment n’était pas favorable pour les plaintes des Irlandais. Le roi était contre eux, les chambres étaient contre eux. On était en pleine guerre contre la France. Pitt était considéré comme le ministre nécessaire. Il y aurait eu folie à essayer de le renverser.

Cependant ce ministère n’était pas destiné à une longue durée. Pitt était épuisé par le travail, par les veilles, par les préoccupations. La nouvelle de la bataille d’Austerlitz lui porta le dernier coup. Il mourut dans les premiers jours de 1806 en répétant, dans son délire : O mon pays ! Privé d’un pareil chef, le cabinet n’avait plus d’âme et plus de vie. Les pittites quittèrent le pouvoir. Les grenvillites, les foxites et les amis de lord Sidmouth formèrent ce ministère que ses partisans appelèrent orgueilleusement le cabinet de tous les talens. Grenville était premier ministre, Fox secrétaire d’état des affaires étrangères et leader de la chambre des communes. Erskine devenait grand-chancelier. Deux jeunes gens sur lesquels le parti whig fondait de grandes espérances, lord Henry Petty, plus tard marquis de Lansdowne, et lord Howick, plus tard lord Grey, entrèrent dans le cabinet, le premier comme ministre des finances, le second comme chef de l’amirauté. Les autres postes furent occupés par lord Sidmouth, lord Spencer, lord Fitzwilliam, lord Moira, lord Ellenborough, et enfin par Wyndham qui, comme ministre de la guerre, montra des aptitudes remarquables. Cette fois les catholiques se trouvaient en présence d’un ministère sympathique à leur cause. Ils n’avaient que deux adversaires dans le cabinet : Sidmouth et Ellenborough. Ils