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s’empressèrent d’envoyer une nouvelle députation à Londres pour exposer leurs griefs et faire connaître leurs vœux. Le ministère leur répondit avec raison que sa situation était difficile, qu’on ne pouvait pas douter de ses bonnes dispositions, mais qu’il fallait lui laisser le temps de s’affermir avant de l’obliger à soulever une question qui pouvait compromettre son existence. Cette crainte n’était que trop fondée, comme l’événement le prouva bientôt. Le cabinet, affaibli déjà par la mort de Fox, voulut cependant, en mars 1807, faire quelque chose pour les catholiques. Il proposa seulement de les admettre à tous les emplois militaires. Cette modeste réforme révolta George III. Qu’aurait-il dit si on lui avait proposé une mesure plus large ? Le cabinet donna sa démission. Pour la deuxième fois, la question catholique avait provoqué une crise ministérielle.

Le cabinet qui venait de tomber était un cabinet de coalition. Lord Sidmouth y représentait les amis du roi ; les autres ministres étaient des grenvillites ou des foxites. Un seul parti en avait été exclu, le parti pittite. Ce fut naturellement ce dernier qui revint au pouvoir. L’administration que forma le duc de Portland en mars 1807 ne comprenait que d’anciens collègues ou des élèves de Pitt. Canning fut ministre des affaires étrangères ; Castlereagh redevint secrétaire d’état de la guerre et des colonies ; Spencer Perceval, attorney-general sous le dernier ministère de Pitt, prit le poste de chancelier de l’échiquier, c’est-à-dire de ministre des finances, et fut en même temps chargé du rôle très envié de leader de la chambre des communes. Perceval, né en 1762, était le deuxième fils du comte d’Egmont. Après avoir débuté au barreau sans grand éclat, il entra en 1796 au parlement et vota avec la majorité de Pitt. Solicitor-general sous le ministère Addington, il fut bientôt promu au poste d’attorney-general, qu’il conserva après la rentrée de Pitt aux affaires. Inférieur à Castlereagh pour le jugement, à Canning pour le talent, il leur fut cependant préféré pour la leadership des communes. Il avait un grand mérite aux yeux du vieux parti tory : il était passionnément hostile aux revendications des catholiques. La bigoterie protestante s’incarnait en lui dans la chambre basse, comme elle s’incarnait en lord Eldon dans la chambre haute. Avec de pareilles opinions il ne pouvait manquer d’avoir la faveur du roi, de la cour, de la chambre des lords et de l’épiscopat anglican. Le chef du ministère lui-même, le duc de Portland, ne jouissait pas d’autant de crédit auprès du parti protestant. Dans sa jeunesse, il avait été libéral ; en 1793, en se ralliant à Pitt, il avait demandé et obtenu quelques concessions en faveur des catholiques d’Irlande. C’étaient autant de taches qui n’avaient été que bien imparfaitement effacées par sa conduite ultérieure.

Ce ministère ne dura que deux ans. Constamment travaillé par