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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/612

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la rivalité de Castlereagh et de Canning, il s’effondra en 1809. Le duc de Portland était mourant. Castlereagh et Canning, à la suite de longs démêlés inutiles à raconter ici, donnèrent leur démission pour vider leur querelle sur le terrain. Castlereagh reçut une balle dans la cuisse. On avait vu en Angleterre, à la fin du XVIIIe siècle et au commencement du XIXe siècle, bien des duels politiques. On avait vu Pitt, premier ministre et chef d’une coalition européenne, risquer sa vie dans une rencontre avec Tierney, leader de l’opposition. On avait vu Grattan, à cinquante ans passés, échanger deux balles avec Isaac Corry à l’issue d’un débat dans la chambre des communes d’Irlande. On n’avait jamais vu deux collègues, deux membres importans d’un même cabinet compromettre dans une aventure de ce genre leur avenir politique, celui de leur parti et l’existence du gouvernement dans lequel ils tenaient une place considérable. Cette incroyable légèreté eut les conséquences qu’elle devait avoir. Le cabinet tout entier donna sa démission. Le duc de Portland, déjà gravement malade, ne survécut que peu de jours à la démission de son ministère.

George III avait pu apprécier depuis deux ans la fermeté des convictions protestantes de Perceval. Il avait trouvé là le premier ministre qu’il rêvait. Pitt n’était ni intolérant ni dévot. Addington était intolérant sans être dévot. Perceval était à la fois intolérant et dévot. Ce fut lui que le roi chargea de former un ministère, Malheureusement il fallait lui trouver des collègues. On avait bien lord Eldon pour le grand sceau ; mais on ne pouvait pas réunir entre les mains de Perceval tous les autres ministères. Au surplus, George III n’élevait d’objections personnelles, en ce moment, que contre Castlereagh et Canning, qui après leur esclandre, ne pouvaient évidemment pas rentrer de sitôt dans le ministère. Il était disposé à prendre pour ministres même des whigs, à condition que les whigs, en entrant au pouvoir, consentissent à suivre une politique tory. Par exemple, il ne voulait entendre parler à aucun prix de l’émancipation des catholiques ; mais il fit faire des ouvertures à lord Grenville et à lord Grey, qui étaient absolument engagés avec les catholiques. C’est ce qu’il appelait former un ministère large et conciliant. Grenville et Grey refusèrent naturellement de se prêter à cette bizarre combinaison. On se rabattit alors sur lord Sidmouth (Henry Addington). Sidmouth n’avait rien à objecter aux principes politiques de Perceval et de lord Eldon ; mais il était prudent, il ne croyait guère à la durée du nouveau cabinet, et peut-être était-il un peu humilié de la pensée de servir sous son ancien attorney-general. Il refusa.

Perceval ne se découragea pas. Il réunit entre ses mains la trésorerie et l’échiquier, comme l’avaient fait Pitt et Addington. Il