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encore. « Ces dépôts, dit M. le directeur des travaux de Paris[1], parlant des bancs qui se forment dans le lit du fleuve en aval des débouchés des collecteurs, — ces dépôts représentent un volume de 118,000 mètres cubes par an et obligent à des dépenses de dragage montant à près de 200,000 francs. » — Ajoutons que ces dépenses ne sont rien à côté de ce qu’elles devraient être, que loin de suffire à dégager le thalweg de la Seine, elles n’en parviennent même pas à enrayer l’obstruction, et que de jour en jour les dépôts boueux s’étendent plus loin en aval en même temps qu’ils épaississent. Dès 1875, ils atteignaient 0m,60, 0m,80, souvent même 1 mètre de profondeur, et ils occupaient plus d’un quart du lit du fleuve, depuis Asnières jusqu’au-delà de Chatou, — Voilà pour l’envasement de la Seine. Quant à l’infection des eaux, M. le directeur des travaux de Paris n’est pas moins catégorique. « Le fleuve, depuis Clichy jusqu’aux abords de Poissy, est converti, dit-il éloquemment, en un vaste foyer de fermentation et d’infection, et n’offre plus, dans cette partie de son cours, qu’une eau impropre à tous les usages domestiques, mortelle aux poissons, répandant dans l’atmosphère des émanations fétides, sinon malsaines, et cela aux portes mêmes de la capitale, au milieu de contrées luxuriantes, au pied des élégantes villas qui peuplent la splendide vallée de la Seine[2]. »

Comment s’étonner après cela du concert de réclamations que faisaient entendre, avec une vivacité toujours croissante, les riverains de la Seine ? Les plaintes étaient trop générales et trop légitimes pour n’être point écoutées à la longue. Les règlemens administratifs imposent à l’industrie privée l’obligation d’assainir et de clarifier les eaux dont elle s’est servie avant de les rendre aux rivières et aux ruisseaux ; ce. n’était pas trop exiger que d’inviter la ville de Paris à se soumettre à la loi commune. D’autre part, la nature même des eaux d’égouts, évidemment riches en matières fertilisantes, permettait de songer à les utiliser dans l’intérêt de l’agriculture. De cet espoir et de la nécessité d’agir naquirent les essais d’irrigation de la ville de Paris dans la presqu’île de Gennevilliers, essais fondés sur une idée séduisante et juste en principe : à savoir que les eaux d’égouts en pénétrant dans la terre devaient tout à la fois l’engraisser et se faire épurer par elle. En 1866, M. l’inspecteur général Mille choisit avec soin 5 hectares de terrain composé de graviers que recouvrait une mince couche de terre

  1. Note du directeur des travaux de Paris sur la situation du service des eaux et égouts, et sur les mesures à proposer au conseil municipal, 1879, page 73.
  2. Ibid., page 72.