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rouge : terrain aride évidemment, mais naturellement aussi extrêmement perméable. Ces 5 hectares, largement arrosés d’eau d’égouts à l’aide de rigoles faisant circuler l’engrais liquide autour des billettes qui supportaient les plantes, furent livrés à la culture maraîchère et produisirent bientôt une abondante récolte de choux, de pommes de terre et d’autres gros légumes. Trois ans plus tard, en 1869, la culture libre, encouragée par les résultats obtenus, commença à prendre part à la distribution des eaux. L’usage de cet engrais liquide s’est depuis lors étendu progressivement dans la presqu’île. Lors de l’enquête de 1876, 115 hectares environ de la plaine de Gennevilliers recevaient les eaux d’égouts. Aujourd’hui, les irrigations se répandent sur plus de 300 hectares.

Le succès de la tentative eût donc été complet, en dépit des inconvéniens graves que nous signalerons tout à l’heure, s’il ne se fût agi que de prouver le pouvoir fertilisant des eaux vannes de Paris et la possibilité de les appliquer avec fruit à la culture, — à la culture maraîchère s’entend, car l’expérience a prouvé qu’aux seules plantes vertes doit en être limité l’emploi. — Mais le but principal, il ne faut pas l’oublier, c’était l’assainissement de la Seine, et les cultures de Gennevilliers ne détournaient du fleuve qu’une quantité d’eau insignifiante relativement au débit total des égouts. Aujourd’hui même, malgré leur extension, près des neuf dixièmes des eaux vannes continuent de se jeter directement dans la Seine. Aussi l’infection, loin de diminuer, allait-elle s’aggravant de jour en jour, et avec elle s’accentuait de plus en plus l’ardeur des plaintes des populations riveraines. Frappé de leur juste persistance, le ministre des travaux publics, en 1875, chargea une commission scientifique d’étudier les moyens les plus efficaces de remédier à cette déplorable situation. C’est pour se conformer aux conclusions de cette commission qu’à la même époque MM. les ingénieurs Mille et Durand-Claye, sous la haute direction de l’illustre Belgrand, présentèrent un avant-projet destiné, assurait-on, à débarrasser définitivement la Seine des immondices liquides qui la souillaient.

Voici quelles étaient les bases de cet avant-projet. Aux deux machines à vapeur élévatoires, de la force de 400 chevaux, qui existaient déjà auprès de l’embouchure du collecteur de Clichy et servaient à remonter dans la plaine de Gennevilliers une partie des eaux de ce collecteur, on ajoutait deux nouvelles machines ayant ensemble une force de 600 chevaux environ. « L’eau du collecteur de Clichy ainsi montée en totalité eût été refoulée en conduite forcée, sur un parcours de près de 16 kilomètres, de l’usine de Clichy à la presqu’île de Saint-Germain, en absorbant tout ou partie des