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visiblement par le Donatello. Le sénat appelle celui-ci à Padoue pour glorifier son grand condottiere Gattamelata, et le jour où le Piccinino lègue sa fortune à la république, à la condition de lui élever une statue équestre, c’est encore un Florentin qu’elle appelle, le Verocchio, et elle l’impose à cet admirable Léopardi, l’homme des élégances suprêmes et du goût le plus raffiné.

Le fait est qu’à une certaine période de l’histoire de Florence, tout ce que touchent ses artistes, pierre, bois, marbre, fer ou argile, devient de l’or pur. Les autres seront décoratifs et pompeux, ceux-ci sont profonds et convaincus ; ils ont été émus et ils savent nous émouvoir : savans et forts, ils cachent leur science et leur force sous la grâce ; élégans, discrets, contenus, sobres et à la fois énergiques et fiers, ils ont le charme vainqueur qui ne se discute ni ne s’analyse, et par-dessus toute chose encore ils ont le goût exquis, c’est-à-dire la mesure, marque indéniable de toute œuvre florentine.

L’épanouissement est complet au moment (du siège de Florence (1530). Tous les grands novateurs sont déjà couchés dans la tombe à Santa Croce ou à Santa Maria del Fiore. Michel-Ange sur son bastion, fortifiant Florence et défendant San Miniato, symbolise le génie de sa patrie luttant pour l’indépendance et la liberté contre Charles-Quint. Le vainqueur lui-même séduit par tant d’élégance, frappé d’une telle surabondance de génie, s’arrêtera avec admiration devant le dôme et le campanile et restera muet devant Ghiberti, et, après coup, la postérité forgera des mots célèbres destinés à rappeler la profonde admiration qu’il a ressentie.

Le XVIe siècle sera plus fécond encore que le XVe, mais il est moins recueilli dans sa production, moins convaincu, moins sincère, moins vrai, moins consciencieux et surtout moins pénétrant. Tumultueux, abondant et toujours plus mouvementé, il devient parfois excessif et passe la mesure ; il révèle une inquiétude que n’ont pas connue ses devanciers, qui semblent avoir conçu et créé dans une paix profonde alors qu’ils ont engendré au milieu des luttes intestines ; il produit sans compter, il enfante sans effort et son vrai signe est la fécondité. Michel-Ange lui-même si grand, si fort, si inattendu dans la conception et dans la forme, ce prodigieux génie avec lequel semble commencer une nouvelle humanité qui n’a pas besoin de l’héritage des autres générations pour s’en inspirer, n’aura pas connu, malgré son inspiration semi-divine, la candeur infinie, l’angélique douceur, l’exquise pureté d’un Desiderio et d’un Rossellino, l’élégance de Michelozzo Michelozzi, ni le charme un peu mièvre de Mino ; mais il saura nous jeter dans une sorte de terreur religieuse avec ces énigmes de marbre qui étalent leurs formes grandioses. Benvenuto Cellini, tapageur, élégant, raffiné, cavalier d’allure, condottiere égaré dans la carrière de l’art, bizarre