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a fait disparaître les prétextes mis en avant pour consommer cette annexion. Pourquoi ne pas rendre aux Boers cette indépendance qui leur a été injustement ravie, qu’ils ont revendiquée par toutes les voies pacifiques et pour laquelle ils se déclarent résolus à lutter par les armes ? M. Gladstone, qui fait profession d’un zèle si ardent pour l’indépendance de la Bulgarie et des tribus demi-sauvages de la presqu’île des Balkans, n’a eu, malgré les protestations de plusieurs de ses amis politiques, aucun souci des droits et de l’indépendance d’une population civilisée, chrétienne et protestante. La seule déclaration nette et précise qui se trouvât dans le discours royal était l’affirmation que le Transvaal demeurerait irrévocablement annexé au domaine de la couronne britannique. Lorsqu’un libéral éprouvé, M. Courtney, souleva cette question dans la discussion du budget, en proposant la suppression du crédit demandé pour l’administration du Transvaal, le cabinet combattit cet amendement avec une extrême vivacité et le fit rejeter.

Les nouveaux ministres n’avaient cessé de reprocher à leurs prédécesseurs de temporiser à l’excès dans le règlement des affaires orientales et d’user vis-à-vis de la Turquie d’une condescendance coupable ; ils avaient annoncé la détermination de pratiquer une politique plus énergique, et en effet lord Granville, le jour même où il prenait possession du foreign office, avait adressé une note aux puissances signataires du traité de Berlin pour appeler leur attention et provoquer leur avis sur les mesures qu’il pouvait y avoir lieu de prendre à l’égard du gouvernement ottoman. On s’était donc attendu à trouver dans le discours royal quelque déclaration significative : au contraire, rien n’était moins net et moins précis que le paragraphe relatif aux affaires d’Orient. « Les relations cordiales, disait la reine, que j’entretiens avec les autres puissances européennes me permettront, je l’espère, de provoquer de concert avec elles la prompte et complète exécution du traité de Berlin en ce qui concerne les réformes effectives à opérer et les lois équitables à instituer en Turquie, aussi bien qu’en ce qui touche aux questions territoriales, qui n’ont pas encore été réglées conformément aux dispositions de ce traité. » Un programme aussi vague se prêtait à toutes les interprétations : aussi, tandis que M. Albert Grey, qui proposa l’adresse en réponse au discours royal, voyait dans cette déclaration l’annonce d’une sage et prudente intervention dans les affaires orientales ; M. Hugh Mason, qui lui succéda immédiatement, la loua, au contraire, comme impliquant l’abandon définitif de la politique d’intervention. Ce fut en vain qu’en signalant cette contradiction entre les orateurs ministériels, le chef de l’opposition, sir Stafford Northcote, s’efforça d’amener le gouvernement à faire connaître avec précision la politique qu’il