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comptait poursuivre. Personne ne pouvait avoir d’objection à ce que l’Angleterre agît d’accord avec les « autres puissances européennes, mais que fallait-il entendre par l’exécution du traité de Berlin, et quelles-mesures le cabinet se proposait-il de recommander ? Il fut impossible de faire sortir les ministres des généralités derrière lesquelles ils se retranchaient : l’opposition dut se borner à constater le caractère obstinément ambigu de leurs réponses. La discussion de l’adresse n’offrit donc aucun intérêt. Dans la chambre des lords, elle se réduisit à une protestation du duc de Marlborough, le dernier vice-roi d’Irlande, contre l’imprudence que le gouvernement commettait en désarmant l’administration irlandaise par l’abandon des pouvoirs exceptionnels qui lui avaient été conférés. Dans la chambre des communes, la discussion aurait à peine occupé une séance entière, sans l’insistance que mirent quelques députés irlandais à soulever la question du régime de la propriété foncière en Irlande. M. O’Connor Power, contre l’avis des plus avisés de ses collègues, présenta un amendement à l’adresse pour blâmer les ministres d’avoir passé sous silence, dans le discours royal, la seule question qui fût véritablement urgente. M. Forster, qui débutait dans les fonctions de secrétaire d’état pour l’Irlande, répondit avec quelque vivacité que le gouvernement s’en tenait à la législation de 1870, et qu’en admettant même qu’il y eût lieu de modifier cette législation sur quelques points, on n’avait pas eu le loisir d’étudier des réformes qui avaient besoin d’être élaborées avec prudence et maturité. L’amendement fut rejeté à une majorité considérable, après une discussion orageuse comme toutes celles dans lesquelles les députés irlandais interviennent.

Quelque soin que les ministres eussent pris de restreindre leur programme, le temps devait leur manquer pour l’accomplir en entier. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes qui tantôt laissèrent naître et tantôt provoquèrent des débats aussi inutiles qu’imprévus ; même en rompant avec un usage immémorial, et en tenant le parlement réuni jusqu’au commencement de septembre, il fut impossible de compenser les séances perdues en discussions stériles. Le discours royal n’avait pas encore été lu qu’ils avaient déjà ! laissé engager dans la chambre des communes une controverse qui ne devait être tranchée définitivement que le 1er juillet, et qui fit naître au sein de la majorité ministérielle les premiers germes de division.

Pour assurer, par l’appoint des voix socialistes, l’élection du rejeton d’une vieille famille whig, M. Henri Labouchère, les libéraux avaient accepté, à Northampton, l’alliance de M. Bradlaugh, l’un des coryphées du socialisme. Les deux candidats coalisés avaient été élus. M. Bradlaugh est un démagogue émérite, qui n’a d’autre profession que la politique et qui en vit. Il a de l’instruction et de