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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 41.djvu/922

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dont il se servait, une barre de fer de 3 pieds, pointue, ayant 2 centimètres de diamètre, fut projetée par l’explosion avec une force considérable. Elle l’atteignit à l’angle de la mâchoire inférieure gauche, traversa la face de part en part, passa en arrière du nez et des yeux, pénétra dans le crâne en déchirant la substance cérébrale de la région frontale, et sortit par le haut de la tête, au-dessus du front, au milieu des cheveux, à droite de la ligne médiane. On la retrouva à quelques mètres du théâtre de l’accident, couverte de sang, de cervelle et de débris de toute sorte. La blessure ainsi produite était effroyable : toute une partie du cerveau était désorganisée, sans compter les fractures multiples du crâne et de la face. Notre homme, quelque peu étourdi pendant les premiers instans, put moins d’une heure après, seul et sans aide, l’accident n’ayant pas eu de témoins, se lever, gagner la maison d’un chirurgien, à pied, monter les escaliers et raconter son histoire d’une façon claire et intelligible. Sa vie fut longtemps en danger, comme on peut le penser, mais il finit par guérir, pour ne mourir que douze ans plus tard, d’épilepsie ; son crâne a été conservé et fait preuve des blessures qu’il avait reçues. D’après les médecins qui l’observèrent après guérison et les amis qui le connurent avant et après l’accident, son caractère et son intelligence changèrent très notablement. D’intelligent, actif, smart, qu’il était auparavant, il devint nerveux, capricieux, inconstant, inéquilibré ; on dut lui retirer son poste de conducteur des travaux. D’autres cas analogues se pourraient citer, mais les conclusions en sont les mêmes ; il n’y a donc pas lieu de s’y attarder. Nous le répétons, de nouveaux faits sont nécessaires ; ceux que nous possédons ne constituent que de fortes présomptions en faveur de la théorie de Fritsch, Hitzig, et Ferrier.


IV

Nous avons passé en revue les argumens que l’on peut citer à l’appui de cette théorie : argumens expérimentaux et cliniques. Il en est d’autres, tirés de divers phénomènes pathologiques, qui ne manquent pas d’importance ; seulement ils nous obligeraient à trop de développemens. Tels sont les faits de dégénérescence secondaire, d’atrophie chez les amputés, et les argumens tirés du développement et de l’anatomie du cerveau. Constatons pour n’y plus revenir que ces faits, tant chez l’homme que chez les animaux, viennent confirmer les recherches de Ferrier, et abordons les principales objections que l’on ait adressées à la théorie des localisations. M. Brown-Séquard, professeur au collège de France, est celui qui s’y est montré le plus hostile. Son grand argument, celui dont il se