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sert d’ailleurs pour attaquer toute la physiologie cérébrale, est celui-ci : les lésions et les symptômes ne sont pas toujours coétendus. Telle lésion insignifiante provoque un trouble général ; telle autre lésion considérable devient latente au point de vue des symptômes. Le fait est exact : pour être rare, il n’est pas impossible ; mais c’est une exception. Ce qu’il faudrait prouver, c’est que ce fait est l’expression du cas le plus fréquent. Le véritable nœud de la question n’est pas là, le voici : peut-on admettre que le siège de la lésion ne signifie rien et que les symptômes puissent être identiques dans deux lésions absolument différentes ? Tout ce qui précède démontre que non. D’ailleurs, prenons les cas que cite M. Brown-Séquard et examinons-en la valeur. Tout d’abord en voici qui ont été recueillis il y a plus de deux siècles, d’une façon vague, sans précision, et dont l’authenticité manque de garanties : nous les éliminons comme nous le faisons d’ailleurs pour tous ceux qui, à une époque plus récente, ne semblent pas avoir été observés avec la minutie que nous exigeons pour tous les cas à l’appui ou à l’encontre des localisations. En voici d’autres, très certains, mais qui perdent toute valeur, par cela même que de récentes découvertes, postérieures aux objections de M. Brown-Séquard, les expliquent très simplement : nous voulons parler des cas où une paralysie s’observe dans le corps du même côté que la lésion cérébrale, ce qui est l’exception. Or, nous savons positivement qu’il y a des différences anatomiques possibles et réelles dans la structure du système nerveux et que ces différences expliquent fort bien les anomalies observées. S’il y a des paralysies du même côté que la lésion, cela tient à ce que parfois les faisceaux de la moelle ne s’entre-croisent pas comme d’habitude. Ces cas doivent être mis de côté comme étant sans valeur en tant qu’opposés à la théorie des localisations. Enfin, pour chacun de ces cas contradictoires cités plus haut, fussent-ils authentiques, on en trouverait facilement mille de confirmatifs. C’est dire que, malgré l’autorité de M. Brown-Séquard, les faits qu’il cite ne sont pas en mesure d’ébranler la théorie de Ferrier. Qu’il y ait des faits embarrassans, inexplicables encore, nous ne le nions pas ; mais il y en a bien plus si l’on admet la théorie de M. Brown-Séquard.

Entre cette opinion extrême et celle de Ferrier, se place celle de M. Vulpian, dont nous avons déjà dit quelques mots. Ce physiologiste, pensant que l’excitation des cellules grises corticales n’est pas possible d’une manière expérimentale, remplace la théorie des centres moteurs par celle des centres psycho-moteurs. Selon lui, l’excitation portée sur la circonvolution agit, non sur les cellules, mais sur les fibres qui en naissent : selon la nature de ces cellules,