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REVUE MUSICALE

A l’Opéra comme ailleurs, un peu de légende fait souvent grand bien ; il importe qu’un ouvrage, avant de se produire à la scène, ait déjà occupé le public de soi. Je ne prétends pas dire que cette procédure, de plus en plus usitée, réussisse invinciblement. Quelquefois il arrive, — comme nous l’avons vu pour le Polyeucte de M. Gounod et pour le Balsamo de Dumas fils, — que la valeur, soit musicale, soit littéraire de l’œuvre ne justifie pas tant de rumeur, et la chute n’en est alors que plus marquée ; mais en revanche, quand on a devant soi Guillaume Tell, Hernani ou l’Africaine, quel vigoureux agent de succès, quel moteur et quel véhicule que ce bruit qui, semblable à la calomnie de don Basile, commence « en rasant la terre, » et devient explosion à l’heure voulue ! Ce que seront les deux grands ouvrages nouveaux promis au répertoire de notre Académie nationale, la représentation nous l’apprendra, mais de quelque façon que les choses tournent, on en aura tant parlé dans l’avant-scène, de ces deux partitions du Tribut de Zamora et de Françoise de Rimini, qu’il leur sera nécessairement beaucoup demandé au jour du règlement des comptes. Longtemps on ignora laquelle passerait la première, puis toutes les deux se récusèrent à la fois, M. Thomas, ne voulait pas, et M. Gounod ne pouvait pas :

Me quitter, me reprendre et retourner encor
De la fille d’Hélène à la veuve d’Hector ! ..


Un interminable jeu de navette, divertissant peut-être pour la galerie, qui s’amuse de tout, mais non certes pour le directeur, dont ces temporisations malencontreuses dérangeaient les plans et qui, sans le secours