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nouvelle ; les termes du règlement organique accepté par nous excluent la confusion de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, et nous n’admettrions pas que la discussion de la légalité des taxes auxquelles le gouvernement égyptien voudrait soumettre nos nationaux pût ressortir de plein droit à un pouvoir institué pour la connaissance de contestations purement civiles. » Pour mettre plus complètement sa pensée en évidence, le gouvernement français, posant des espèces, demandait, par exemple, ce qui arriverait si un Européen refusait de payer une taxe au gouverneur d’Alexandrie : celui-ci pourrait-il l’assigner devant les nouveaux tribunaux ? Les négociateurs égyptiens répondaient par l’affirmative, mais les négociateurs français soutenaient la négative avec une résolution formelle de ne pas céder. « L’article 11 du règlement organique, disait notre consul général dans une note adressée au ministère égyptien sous une forme vague et compliquée, parait interdire aux tribunaux mixtes tout empiétement sur le domaine du droit administratif ; mais, au lieu de formuler un énoncé de principe et de décider qu’ils devront, dans tous les cas, se déclarer incompétens, ce texte se borne à édicter qu’ils ne pourront interpréter ni arrêter l’exécution d’une mesure administrative… D’après nous, et certainement aussi d’après le gouvernement égyptien, les nouveaux tribunaux ne sont institués que pour statuer sur les procès civils et commerciaux dont la compétence leur a été attribuée, le gouvernement égyptien n’a jamais demandé et le gouvernement français n’a jamais entendu que les questions administratives ou les discussions, de quelque nature qu’elles puissent être, sur les règlemens de taxes et d’impôts fussent soumises à la juridiction nouvelle. » Revenant sur ces déclarations, déjà si formelles, le gouvernement français les précisait davantage dans une dépêche en date du 19 juin 1875 : « Nous avions jugé, disait cette dépêche, que l’article 11 du règlement organique, malheureusement assez obscur dans ses termes, avait pour objet de séparer le contentieux administratif de la juridiction civile ou commerciale attribuée seule, dans notre pensée, aux nouveaux tribunaux. » L’Angleterre, l’Autriche, l’Italie et la Russie, partageant la manière de voir du gouvernement français, insistaient comme lui pour qu’il fût bien entendu que l’organisation des nouveaux tribunaux ne changeait rien là la situation respective de l’Égypte et des puissances ; que ces dernières n’acquéraient par elle a aucun droit d’intervention dans l’administration intérieure de l’Égypte, aucun pouvoir de léser l’autonomie de ce pays en matière financière[1] ; » qu’elles conservaient, « en vertu du droit conventionnel, la faculté d’y protéger

  1. Dépêche du 1er juillet 1875.