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un boute-feu prêt à incendier l’Europe pour un caprice ou même pour une ambition. Aux premiers jours de 1830, avec tous ceux dont il avait été l’allié ou le collègue sous Casimir Perîer, puis au 11 octobre, il avait énergiquement contribué à contenir les agitateurs qui se plaisaient à réveiller toutes les passions guerrières et révolutionnaires, qui n’auraient pas craint de précipiter la France dans un conflit universel pour la Pologne, pour l’Italie. Il avait été un partisan décidé de la paix telle que la comprenait Casimir Perier ; il y voyait une condition de vie et d’affermissement pour le régime nouveau. Il restait encore l’adversaire des politiques d’aventure et de propagande par les armes ; mais en même temps, — c’était là le fond de sa pensée, — il croyait que le moment viendrait où la monarchie de juillet, à peu près isolée en Europe, toujours suspecte auprès des puissances absolutistes du continent, serait forcément conduite à déployer, comme il le disait, « plus de caractère » dans sa politique extérieure. Il pensait que cette monarchie, qu’il ne séparait pas de la grandeur de la France, aurait à prendre sa place, non par la guerre, mais par une certaine fermeté de diplomatie, par une certaine dextérité à saisir les occasions, et au besoin avec l’alliance libérale de l’Angleterre, la seule que le régime de 1830 eût rencontrée. Pour avoir eu ces idées, pour les avoir soutenues, il avait deux fois quitté le pouvoir. Dans cette dernière affaire de 1840 surtout, dans cette fatale affaire d’Orient où l’alliance anglaise avait été perdue, où les cours absolutistes avaient habilement profité d’un dissentiment entre Paris et Londres pour former une coalition contre nous, il restait ardemment convaincu qu’on s’était trop hâté de dévorer l’offense et de désavouer une inspiration de fierté. Il emportait dans son camp d’opposition cette idée que, par une malheureuse impatience de paix, on avait donné la mesure de la résolution de la France, et l’on s’était créé de graves périls pour l’avenir. Il le disait un jour avec feu :


… Savez-vous quelle a été ma pensée ? Si dans l’affaire d’Égypte je n’avais vu que le pacha tout seul, bien que je ne méconnusse pas les intérêts que la France avait en Orient, je n’aurais pas, pour ma part, été aussi pressé d’engager, je le dirai franchement, des questions aussi graves que celles que nous avons engagées ; mais quand j’ai vu qu’on saisissait l’occasion de se mettre tous contre nous, je me suis dit, ce que je crois encore au fond de mon âme et dans ma conviction sincère, je me suis dit que, si la France ne montrait pas que, même pour une question d’influence dans laquelle on avait le parti-pris de la braver, de l’annuler, elle était prête à braver toutes les conséquences plutôt que de laisser s’accomplir ce projet de l’annuler, son influence était sérieusement compromise… Maintenant, entrez dans toutes les subtilités,