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symptômes qui accusaient le peu de solidité de l’empire et n’y aurait-il pas, de sa part, une haute sagesse autant qu’un devoir de justice envers le Mexique à ne rien terminer d’une manière arbitraire, qui ne paraîtrait fermer que pour les rouvrir plus cruelles bientôt les plaies de ce malheureux pays ? Il tenait dans ses mains le sort d’une grande contrée qui ne serait point ingrate et dont la reconnaissance illimitée n’était pas à dédaigner. On le détournait ainsi de rien tenter de décisif contre le Tabasco, et le peu de moyens dont il disposait l’y déterminait peut-être également. Il est enfin de ces situations élevées où le doute est permis, où de brillans mirages séduisent l’imagination, que certains périls environnent et où la perspective de tout perdre ou de tout gagner tient en suspens la volonté la plus forte. Une influence occulte de faits, de personnes, d’espérances grandissantes, d’une alliance de famille prochaine protégeait le Tabasco, et l’on peut avancer qu’en renonçant à l’expédition si longtemps projetée, le maréchal cédait à cette influence.

D’autre part, il était naturel que ceux qui ne pouvaient disposer des événemens à leur gré, ni s’abandonner à de tels rêves de grandeur personnelle, s’affligeassent de la décision du maréchal et vissent plus clair dans la situation. Loin de pactiser, en effet, avec les visées singulières ou chimériques du parti de Mexico, le Tabasco était nous l’avons dit, dans la plupart de ses chefs très franchement républicain. Il agissait surtout pour son compte, et la protection que lui ménageaient les intrigues de quelques-uns de ses chef, protection qu’il ne sollicitait pas, mais dont il jugeait utile et logique de profiter, le rendait chaque jour plus fort. Il était facile de prévoir qu’aucune surprise d’entraînement n’y serait praticable et qu’on aurait fait avec lui de la diplomatie guerrière en pure perte.

Cependant, en attendant que les événemens en vinssent au point que l’on désirait, il fallait agir, car il est des projets qu’on ne saurait dévoiler et qu’il faut masquer au contraire, si on ne les veut voir avorter avant l’heure.

D’ailleurs depuis deux mois qu’on avait pris Oajaca, nos affaires au Mexique s’offraient partout dans un désordre alarmant et bizarre.

Tuspan, sans argent et sans garnison, les habitans découragés étaient prêts à abandonner la ville à la première attaque. Le navire que la marine entretenait devant Tuspan n’était que d’une utilité subordonnée au caprice de la barre. Auprès de Tampico, le dissident Garbajal venait d’échapper au colonel du Pin par la connivence des troupes mexicaines que le colonel avait avec lui. Tous ces gens-là s’entendaient entre eux. Ce qui était plus grave, le colonel du Pin lui-même était rappelé, et on disait que sa contre-guérilla allait être