Savoie étant menacée par une armée française échelonnée sur la frontière sous le commandement du général de Montesquiou, le cabinet de Turin jugea prudent de les éloigner ; et encore fit-il des exceptions.
Le 14 de ce mois, le premier ministre, M. de Hauteville, écrivait au gouverneur Perron qu’à la prière du comte d’Artois, il consentait à ce que MM. de Narbonne-Fritzlar, de Connway et leurs officiers restassent à Chambéry, « soit pour cultiver les correspondances que les princes étaient bien aises de maintenir avec les gens de leur parti dans le midi de la France, soit pour diriger les opérations qui pourraient être tentées si le roi de France se trouvait lui-même en état de commencer quelque entreprise utile à sa cause. » Mais M. de Hauteville recommandait à ces deux généraux la circonspection et la prudence. Il leur recommandait surtout de cacher leur qualité d’agens des princes, et pour mieux faire ressortir tout le prix de la faveur qu’on leur accordait, il ajoutait : « Le temps n’est pas venu où l’on peut permettre de trop grands rassemblemens d’officiers en Savoie. » Ce temps parut être venu quelques semaines plus tard quand le gouvernement sarde agitait dans ses conseils la question de savoir s’il ferait marcher une armée de Chambéry sur Lyon, où les royalistes l’attendaient avec une impatiente angoisse et lui promettaient un accueil enthousiaste.
A la même époque, il donnait au gouvernement français des preuves évidentes de mauvais vouloir, telles que l’arrestation à Alexandrie de M. de Sémonville, nommé ambassadeur de France à Turin, dont il interrompait le voyage sous le prétexte que ses passeports n’étaient pas en règle. Après la défaite définitive des confédérés de Jalès et quand il eut compris que le gouvernement français, ayant recouvré la libre disposition des troupes engagées contre eux, allait pouvoir les jeter en Savoie, il eut peur, changea de tactique et fit montre de sa neutralité. Mais c’était trop tard pour conjurer les destins. Le général de Montesquiou marcha sur Chambéry, y entra victorieusement, au milieu d’une population ardente à se déclarer française, et l’asile où, depuis plusieurs mois, les émigrés conspiraient, leur fut fermé.
C’est dans la seconde moitié de l’année 1792 que ces faits se succédèrent; mais, au moment où le comte de Saillans arrivait à Chambéry, on était bien loin de les prévoir. Tous les cœurs s’ouvraient à l’espérance, une ferme intrépidité animait le sien. Les instructions qu’il avait reçues en quittant Coblentz portaient textuellement: «Il se rendra dans le pays avec M. Allier; il verra sans éclat M. de Borel à Mende et les personnes que celui-ci lui désignera. Mais il ne prendra aucune décision sans avoir rendu compte