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mêlant l’esthétique à la géométrie, montrerait à ses élèves sur la Vénus de Médicis les lignes de plus grande et de moindre courbure.

Le professeur lisait, par exemple, pour les élèves peu habitués à la langue latine, la traduction d’un passage d’Ovide.


PHILLIS A DÉMOPHON.

A décevoir une jeune pucelle
Légère à croire il n’y a grand honeur,
Mais ma simplesse, hélas, étoit bien telle
Quell’ meritoit d’avoir quelque faveur.
Je, pauvre amante et femme, fu deceue
Par ton parler, les dieux cette victoire.
Que contre moy par tel poinct tu as eue,
Facent que soit le comble de ta gloire.


Et les élèves, par facile passe-temps, tournaient en syllogisme la plainte de Phillis.

Nul trompeur de pucelle amante n’est louable.
Démophon est trompeur de pucelle amante, comme de Phillis.
Démophon donc n’est louable.


On proposait, épreuve plus difficile, de suppléer à la conclusion absente d’un enthymème composé par Clément Marot, sans doute sans le savoir :

Jamais Alix son feu mary ne pleure
Tout à par soy, tant est de bonne sorte ;
Et devant gens, il semble que sur l’heure,
De ses deux yeux une fontaine sorte.
De faire ainsi, Alix, si te déporte
Ce n’est point dueil quand louange on en veult,
Mais le vray dueil, sçez tu bien qui le porte ?
C’est cestuy-là qui sans tesmoing se deult.


Et l’écolier, sans qu’il lui en coûtât un grand effort, alourdissait le syllogisme pour le rendre parfait, en disant :

Le vrai dueil est secret,
Le dueil d’Alix n’est poinct secret,
Le dueil d’Alix n’est pas donques vray dueil.


À l’analyse souvent on mêlait la synthèse ; la physionomie habituelle de la classe et l’originalité de l’enseignement apparaissaient mieux lorsque Ramus dictait à ses élèves :

Le guetteur et espieur meschant est justement occis,
Or, Clodius est guetteur et espieur meschant,
Partant Clodius est justement occis.