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des cultes, M. de Putkammer. L’incident ne reste pas moins avec sa signification, montrant une fois de plus le vide que le chancelier crée autour de lui en n’admettant chez ses collègues de pouvoir qu’une volonté subordonnée. La retraite du comte Eulenbourg n’eût-elle que cette valeur démonstrative, elle ne laisserait pas d’avoir de la gravité au point de vue des conditions ministérielles. D’un autre côté, avec l’ardeur d’intervention qui l’entraîne dans les mêlées parlementaires, M. de Bismarck n’en est plus à compter les altercations violentes qu’il a eues depuis quelques jours dans le Reichstag, tantôt à propos du budget bisannuel qu’il réclame, tantôt à propos d’une motion de M. Mendel contre l’abus des influences administratives dans les élections, tantôt à l’occasion du système d’impôts.

Tout est pour lui sujet d’irritation L’autre jour, dans la discussion de la proposition de M. Mendel, le chancelier, se levant brusquement, a déclaré qu’il était autant que tout autre opposé à l’abus des influences administratives, et il s’est mis à raconter une histoire vieille de deux ans, une élection de Meiningen, où son fils avait échoué. Celui qu’il accusait justement d’avoir abusé les influences, d’avoir été hébergé, patronné par la principale autorité locale, c’était le concurrent heureux de son fils, un des chefs du parti libéral, M. Lasker, qui n’a pas manqué de répliquer, et la scène a pris bientôt le caractère le plus violent. M. de Bismarck s’est laissé emporter jusqu’à dire que les assertions de M. Lasker n’étaient que des « faussetés qui sortaient d’une source infecte. » Une fois lancé du reste, il ne s’est pas borné à traiter l’opposition de cette belle manière, il a accusé tout le monde. Un autre jour, c’est dans la discussion d’un impôt sur la valeur locative des bâtimens affectés aux fonctionnaires que le chancelier a pris feu. Il a commencé par raconter plaisamment les mésaventures qu’il a essuyées pour son propre compte en sa qualité de contribuable sollicitant une réduction et n’obtenant qu’une aggravation. Puis il a saisi l’occasion de développer une fois de plus son système favori d’impôts indirects combinés avec le dégrèvement de la contribution directe, et, s’exaltant par degré, il s’est bientôt livré à une sortie furieuse contre la municipalité de Berlin et son système financier, contre le bourgmestre, M. de Forkenbenk, contre les conseillers municipaux progressistes, qu’il a accusés de surcharger la population pauvre, de créer une situation telle que la vie serait plus chère à Berlin qu’à Paris. Les interpellations les plus injurieuses ont été échangées dans le Reichstag; mais ce n’est pas tout. Aujourd’hui, le conseil municipal de Berlin proteste, signe des adresses contre le chancelier, et voilà une guerre de plus allumée! M. de Bismarck suit son chemin, boisant les adversaires ou les amis récalcitrans qui ne veulent pas le suivre dans ses évolutions, et à ceux qui lui reprochent de les abandonner, d’avoir plusieurs fois changé d’opinion depuis vingt ans, il répond lestement: « Oui, il