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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/572

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cité de l’Asie-Mineure, et quand les Romains, à qui Attale III avait légué ses états par un testament en due forme, prirent possession de cette riche succession, ils firent de Pergame le chef-lieu de leur province d’Asie et continuèrent à l’embellir. Ils emportèrent seulement l’argent monnayé et les objets les plus précieux. Quant à la bibliothèque, qui comptait deux cent mille volumes, elle fut respectée jusqu’au jour où Antoine eut l’idée de la donner à Cléopâtre : c’est ainsi que les parchemins d’Attale et d’Eumène allèrent grossir la bibliothèque d’Alexandrie et en partager le triste sort. — Les monumens romains, dont un grand nombre ont laissé des ruines imposantes, donnent aujourd’hui à Bergame l’aspect d’une ancienne ville romaine plutôt que grecque. N’était l’aspect des maisons modernes, on se croirait en Italie ou en Provence. L’étendue de l’espace où se trouvent les ruines montre que la ville antique occupait une aire beaucoup plus considérable que la ville moderne. Tandis que celle-ci reste plaquée sur le versant de l’acropole, la cité grecque et romaine couvrait au loin le vallon du Sélinos, petit affluent du Caïque, qui descend en cascatelles des montagnes du nord. L’amphithéâtre, par exemple, est aujourd’hui isolé dans la campagne : c’est une des plus grandes curiosités de la Pergame romaine. C’est un des deux seuls monumens de cette nature que l’on ait trouvé en Asie. Les jeux sanglans qui passionnaient les Romains, et dont ils tenaient le goût des anciennes races italiotes, répugnaient aux populations plus douces des rives orientales de la mer Egée. L’amphithéâtre de Pergame, dont les proportions sont à peu près les mêmes que celles des arènes d’Arles, est loin de présenter un ensemble aussi complet ; mais il offre une particularité intéressante, c’est d’avoir été construit dans le vallon d’un petit torrent, qui le traverse dans la direction du plus grand axe. Il suffisait d’établir un barrage pour former un lac destiné aux joutes. L’amphithéâtre marque l’extrémité nord de la ville, sur la rive droite du Sélinos; tout auprès se trouve l’emplacement du stade et les ruines de l’ancien théâtre, dont on a quelque peine à bien comprendre les dispositions. De là partait une voie bordée de colonnes qui sortait de la ville et dont on peut suivre la trace jusqu’aux décombres d’un temple dorique situé près d’une source tiède et qui paraît avoir été dédiée à Esculape. Ce dieu était grandement honoré à Pergame, et son sanctuaire semble avoir été en même temps une sorte d’hospice où les malades venaient chercher la santé, et un asile où les criminels pouvaient échapper en pleine sécurité à la vindicte des lois. Le culte du dieu conduisit à l’étude de la médecine elle-même. Une célèbre école de médecine existait, comme nous l’avons dit, à Pergame.

Le Sélinos partageait l’ancienne ville et partage encore la ville