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muraille de circonvallation générale qui, suivant le contour du mamelon, forme un angle aigu vers le nord. Cette extrême pointe est le seul endroit où les décombres et les fondations d’édifices de tous les âges n’empêchent pas le gazon de pousser librement; le peuple l’appelle le jardin de la reine, et d’aucun endroit de l’acropole la vue n’est plus admirable.

Le jardin de la reine, ainsi que l’esplanade du palais, ont été transformés au moyen âge en forteresse turque, à une époque où probablement on avait dû abandonner toute la partie inférieure de la citadelle antique. Bien avant, du reste, de grands changemens avaient été opérés. A l’époque byzantine, on a bâti en avant du rempart intérieur un mur énorme épais de six mètres, pour la construction duquel tous les édifices voisins ont été mis à contribution. Ce mur est ainsi devenu le réceptacle où, enfouis dans la mortier, les chefs-d’œuvre des sculpteurs de Pergame ont attendu le jour où un heureux amateur d’antiquités a eu la bonne fortune de les découvrir.

En 1864, un ingénieur allemand, attiré en Asie-Mineure par le climat et chargé par le gouvernement turc, et notamment par l’illustre Fuad-Pacha, de la construction de diverses routes, M, Humann, vint visiter Pergame. L’acropole était alors une vaste et riche carrière de marbre. L’on n’avait qu’à gratter le sol à peine recouvert de gazon et de maigres arbustes pour en tirer des blocs de toute dimension. Les plus grands étaient réservés pour la construction des maisons de la ville; les petits étaient jetés dans des fours à chaux, qui ne chômaient jamais. Grâce à cette active exploitation, notre ingénieur ne put même pas retrouver l’emplacement de certains monumens qu’avaient mesurés les voyageurs du siècle dernier et du commencement du nôtre. Mais il soupçonna que le sol devait receler des restes précieux de la citadelle des Attalides, et ne partit qu’après s’être promis de revenir. Il revint, en effet, deux ans après, et apprit qu’un médecin grec de Pergame, M. Rhalli, avait découvert sur l’acropole un grand bas-relief représentant un homme terrassé par un lion. Ce morceau, envoyé à Constantinople, fut jugé si remarquable que la Sublime-Porte elle-même s’en émut et donna l’ordre d’empêcher qu’à l’avenir les marbres fussent enlevés ou brûlés. Les choses en restèrent là jusqu’en 1869, époque à laquelle M. Humann fit un troisième voyagea Pergame, motivé par le projet de construction d’une route entre cette ville et le port de Diceli. Il eut la chance, cette fois, de découvrir lui-même un bas-relief représentant un jeune dieu. C’était une énorme dalle de marbre, qui parut à un naturel éminemment propre à faire une marche d’escalier, moyennant un petit travail de nivellement opéré