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Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 44.djvu/576

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à coups de marteau sur les parties les plus saillantes. Il la fit voler pendant la nuit. Ce fut un cruel déboire pour M. Humann ; mais un point lui sembla désormais acquis, c’est qu’il suffirait de chercher pour trouver. Cette confiance s’affermit tous les jours et devint en lui un article de foi. Toutefois il ne lui fut pas facile de convaincre ses compatriotes, de leur faire partager son ardeur de croyant. Après la guerre de France, tous les fonds dont l’Allemagne dispose pour les recherches archéologiques furent consacrés aux fouilles d’Olympie. Bien en prit d’ailleurs à M. Ernest Curtius, qui les a su conduire avec tant d’habileté, mais le pauvre M. Humann dut attendre longtemps. Il se décida enfin à faire comme le maître du champ : il commença lui-même la moisson et eut le bonheur d’envoyer deux grands bas-reliefs à Berlin en 1878. Un résultat si décisif enleva les dernières hésitations, et grâce surtout à l’influence de M. Gonze, le savant archéologue de Berlin, l’argent ne manqua plus à M. Humann. Il obtint en même temps un firman du sultan l’autorisant à remuer à sa guise le sol de l’acropole de Pergame.

Les deux derniers reliefs ayant été trouvés dans le large mur byzantin dont nous avons parlé, c’est à le démolir que l’on s’appliqua tout d’abord. Mais il ne s’agissait pas seulement de trouver des débris; M. Humann voulait fouiller l’emplacement même de l’édifice auquel ils avaient appartenu. Et d’abord, quel était cet édifice? On savait par un médiocre écrivain latin, Ampelius, auteur d’un petit traité sur les Merveilles du monde, qu’un colossal autel de Jupiter, haut de 40 pieds, orné d’une Gigantomachie, avait existé à Pergame. L’examen des reliefs trouves à deux reprises ne permettait pas de douter qu’ils n’eussent fait partie de ce monument. Il s’agissait seulement d’en déterminer la place. M. Humann fut amené par diverses considérations à croire que l’autel avait été édifié entre le rempart intérieur de construction hellénique et le mur byzantin, non loin de l’enceinte. De là on domine le cours du Sélinos et, vers le sud, la plaine du Caïque, où une longue rangée de grands arbres marque le cours du fleuve, jusqu’à la mer dont la nappe bleue borne l’horizon. C’est à cette place que M. Humann se décida à creuser les premières tranchées. Il raconte en termes émus sa joie quand, après quinze ans d’attente et d’efforts infructueux, il put enfin commencer des travaux sérieux. Il fit à ses terrassiers turcs, grecs et arméniens un beau discours en allemand et invoqua la haute intercession du puissant protecteur du musée de Berlin, « le plus heureux et le plus aimé des hommes. » Les ouvriers, grands enfans, crurent à une formule magique destinée à les mettre sur la voie des trésors. Ils s’imaginaient, en effet, que les