pratique aux problèmes si graves qui forcément s’imposent aux hommes d’état et aux nations modernes.
La réforme que M. Leslie préconise en économie politique est semblable à celle que sir Henry Maine poursuit dans l’étude du droit[1]. Au fond, c’est une réaction contre la méthode déductive et purement « rationnelle » du XVIIIe siècle, comme celle qui a été inaugurée en Allemagne par Savigny et par toute l’école historique. Je cite de rencontre deux passages qui indiquent clairement la façon de penser du XVIIIe siècle. Turgot, dans son fameux Mémoire au roi, dit fièrement : « Il ne s’agit pas de savoir ce qui est ou ce qui a été, mais ce qui doit être. Ce n’est pas à la science à décider, mais à la conscience. Les droits des hommes réunis en sociétés ne sont pas fondés sur leur histoire, mais sur leur nature. » Galiani dit, dans ses Dialogues sur le commerce des blés, qui démentent si bien le mot de M. Thiers prétendant que l’économie politique n’est que de la littérature ennuyeuse : « Quel sera notre guide? Notre raison. Le bon sens est la seule cour souveraine qui ne vaque jamais : il siège toujours. Établissons des principes tirés de la nature même des choses. » Sans doute la raison et le bon sens doivent nous guider : comment autrement raisonner juste? Mais ce n’est pas des abstractions de la pensée humaine qu’ils peuvent tirer les règles à suivre en politique ou en économie politique. Sans la statistique et l’histoire, on n’arrivera à rien de vraiment instructif dans les livres et à rien de pratique dans les lois. C’est un des grands services rendus à la science par le beau livre de Maine : Ancient Law, d’avoir montré ce que la notion confuse d’un état de nature et d’un droit de nature avait produit d’erreurs, de contradictions et de divagations creuses. Les travaux de M. Leslie contribueront à purger l’économie politique du même genre d’entités en ce qui concerne « les lois économiques naturelles. » — « La nature, quelle est cette femme? » disait Joseph de Maistre. Laissons l’étude de la nature aux sciences naturelles. Dans les sciences sociales, étudions les conditions qui nous sont faites et par le passé et par les lois actuelles, et cherchons comment on peut les améliorer, pour le plus grand bien de l’humanité, en tenant compte de ce qu’est l’homme, de ses besoins réels et de sa destinée.
M. Leslie a donné un excellent exemple de l’application de sa méthode dans un volume consacré à l’examen du régime agraire en Irlande, en Angleterre et sur le continent[2]. Irlandais d’origine